Taba-Taba :
Une
histoire de France depuis Napoléon III jusqu’à nos jours.
Le roman commence à
Mindin, en face de Saint-Nazaire, au début des années 1960. dans un lazaret
devenu hôpital psychiatrique : un enfant boiteux, dont le père est
administrateur du lieu, se lie d’amitié avec un des internés, un ancien de la
marine qui, se balançant d’arrière en avant, répète sans cesse la même formule
énigmatique : Taba-Taba.
Photo Nathalie Bourreau
Patrick Deville se confronte à l’histoire de sa famille,
fouillant à travers les archives laissées à sa mort par sa tante
« Monne ».
À partir de là, il déroule
son Histoire à travers nombre de personnages et d’évènements :
il voyage en compagnie d’une
bibliothèque, les citations nourrissent son livre – Victor Hugo, Cendrars, Vercors,
Proust, Rimbaud évidemment, mais aussi De Gaulle, Trotsky, ou bien Churchil,
comment oublier sa clairvoyance lors de la rencontre à Munich en 1938 de Hitler , Mussolini, Daladier et Chamberlain :
« Ils ont eu le
choix entre le déshonneur et la guerre. Ils ont eu le déshonneur et ils auront
la guerre. »
Une grande fresque romanesque
sur la France, du second empire aux attentats qui ont ensanglanté récemment le
pays, en passant par la Grande Guerre, par le Front populaire, la Débâcle,
l’Occupation, la Résistance, la
Libération où il ne manque pas de rappeler le rôle des maquis qui
« ne
cessent de harceler les Allemands, qui ne cessent de martyriser les civils. C’est la grande question de la violence
dans l’Histoire résolue depuis la Révolution française. Le droit ne s’installe
pas par les moyens du droit. L’action terroriste illégale peut n’être pas illégitime »
À la question posée par
le journaliste Frédérique BREHAUT visant son rapport plus personnel avec ce roman
De tous vos livres, « Taba-Taba » est le plus
intime. Est-ce plus difficile de raconter son histoire familiale que celle de
Savorgnan de Brazza, Trotski, Yersin ou William Walker ?
Patrick Deville répond:
« Tout est vrai,
comme toujours dans mes romans sans fiction. La différence concerne les
personnages, qui cette fois, me sont proches. Mon
père et ceux que je réunis dans « Taba-Taba » n’ont rien demandé… J’ai
l’impression d’avoir troublé leur repos. »
Ce
père dont il garde un souvenir tendre et
impérissable à travers une prose poétique rappelant Proust, bien sûr, et, dirais-je,
Marguerite Yourcenar :
« Enfermé
dans le studio de La Condesa » (Mexico) … « J’avais appris que Loulou allait mourir dans
quelques heures. J’étais arrivé à temps …
S’il m’est difficile de
me souvenir du visage de Loulou, nous parlons souvent , nous quittons le matin
en sachant nous revoir une nuit prochaine, dans ces rêves assez rares qui sont
durables et récurrents, en des lieux imaginaires, qu’on sait devoir abandonner
au réveil mais avec l’assurance de bientôt le retrouver, guettant parfois la
réminiscence d’un détail comme un petit poisson montant du fond, qu’on sent
arriver et qui, juste avant d’atteindre la surface, comme effrayé par la
lumière, virevolte et descend à nouveau vers les profondeurs, se tapit sur la
vase et les feuilles mortes en attendant l’instant propice, ou bien meurt
lentement au fond de l’hippocampe. »