Qu’est-ce que c’est
que vraiment une autobiographie ?
Et pourquoi les
hommes ont besoin de raconter leur vie et partager leurs mémoires ?
D’abord il faut
« se mettre à nu », devant des potentiels lecteurs mais surtout
devant soi-même, et il faut analyser sa vie pour découvrir lentement la
personne qu’on est devenu grâce (ou à cause de) aux événements pendant son
existence : donc l’action de « se peintre » est la même dans le
cas d’une autobiographie et d’un autoportrait parce que le sujet se pose face
à un miroir (imaginaire et intérieur dans le premier cas) et il décrit ce qu’il voit
en s’observant.
C’est-à-dire que
Gumpp utilise simplement un art différent pour rejoindre les mêmes objectifs
que ceux qui écrivent une autobiographie.
Mais quels sont donc ses objectifs ? Quelles sont ses motivations ?
Montaigne explicite
qu’il écrit ses « Essais » sans « aucune fin », mais
seulement pour la « commodité particulière » de ses parents et de ses amis,
afin qu’ils « nourrissent la connaissance » de lui-même après sa
mort.
Au contraire Rousseau
écrit ses « Confessions » pour « montrer […] un homme dans toute
la vérité de la nature », pas pour racheter son passé ou se justifier,
mais pour démontrer que, peut-être, une enfance meilleure aurait pu le rendre
une personne différente : dans ce projet il est soutenu par la fonction
cathartique de l’écriture et par le désir un peu narcissique de parler de soi.
De la même façon
Vittorio Alfieri retrouve l’origine du « scrivere di se stesso » dans
le « molto amor di se stesso » : en effet on n’a pas envie de
décrire quelqu’un qu’on déteste.
Selon Alfieri cet amour narcissique est un « dono
[…] che la natura in maggiore o minor dose concede agli uomini tutti, ed in
soverchia dose agli scrittori » : l’écrivain italien confesse qu’il
écrit sa « Vita scritta da esso » pour ses lecteurs qui
« avranno qualche curiosità di sapere qual io mi fossi”.
Donc dans leur
Mémoires on peut trouver Rousseau « tel que » il fut (il arrive à
dire que, au moment du Jugement Dernier, il ira devant l’Être éternel avec ses
« Confessions » à la main). Montaigne affirme
clairement : « Je suis moi-même la matière de mon livre »
et « C’est moi qui je peins », Alfieri déclare qu’il va
« vendere la vita » de soi-même.
Toutefois l’Empereur
Hadrien, qui dans le roman de Marguerite Yourcenar s’adresse à son « cher
Marc », ne se décrit pas dans toute la vérité, mais il « épargne des
détails désagréables » et réfléchit, désormais vieux, sur son corps qui
« finira pour dévorer son maître » et sur sa dignité de chef d’État,
difficile à préserver pendant la maladie.
L’homme peut en
conclusion avoir beaucoup de raisons pour écrire ses mémoires.Par exemple pour
combattre la peur de l’oubli et de la mort, parce qu’on connaît bien la
fonction éternisante de l’écriture, qui rend immortels les auteurs et leurs
personnages. Grâce à l’écriture on
peut aussi mieux se découvrir et se connaître, et donc on peut utiliser
l’autobiographie comme une sorte de psychanalyse.
Encore, écrire sur
soi-même peut servir à se libérer des passions en les exprimant, c’est-à-dire à
se défouler. De plus, quelquefois
on veut raconter des expériences de vie, des voyages, des maladies, parce que
notre exemple pourrait être utile à l'avenir pour d'autres gens.
À la fin, peut-être, le désir de
« vider le sac » avec quelqu’un (qu'il soit réel ou imaginaire) est
la raison la plus prépondérante qui pousse l’homme à se raconter.
Henri Tachan "Quand je serai vieux..."
Lorsque je serai
vieux, au terme du voyage,
Mes yeux
regarderont encore le paysage,
Et je serai, bien
plus qu'avant, émerveillé,
Car j'aurai de
nouveau mes grands yeux d'écolier...
Ah! Que vienne le
temps de la pause-vieillesse,
Que je retrouve
enfin un peu de ma jeunesse!
Ah! Que vienne le
temps où je vais verveiner
De tilleuls en
tisons près de la cheminée!
Lorsque je serai
vieux, je pardonnerai tout:
L'apathie des
moutons et la hargne des loups,
Et je me moquerai
de ces chagrins d'amour
Qui me venaient,
jadis, tous les sept ou huit jours...
Ah! Que vienne le
temps de la pause-vieillesse,
Que des drames
d'antan je me désintéresse!
Ah! Que vienne le
temps où je vais verveiner
De tilleuls en
tisons près de la cheminée!
Lorsque je serai
vieux, je fixerai les pierres,
Je humerai le
vent et la pluie et la terre,
Et je m'arrêterai
pour saluer un arbre,
Le vernis d'une
feuille ou les veines du marbre...
Ah! Que vienne le
temps de la pause-vieillesse,
Que je contemple
enfin ce que les autres laissent!
Ah! Que vienne le
temps où je vais verveiner
De tilleuls en
tisons près de la cheminée!
Lorsque je serai
vieux, ma mie, tu seras vieille,
Et nous n'aurons,
tous deux, plus de nez ni d'oreilles
Pour entendre
leurs bruits, ni de dents pour nous mordre:
Il sera mort
enfin, le temps de nos désordres...
Ah oui! Vienne le
temps de la pause-tendresse,
Ma mie, ce joli
temps, de la prime vieillesse...
Ah! Que vienne le
temps où je vais verveiner,
Où ton cœur
contre moi viendra dodeliner!
Ah! Que vienne le
temps où je vais verveiner
De tilleuls en
tisons près de la cheminée.