lundi 4 juillet 2016

Renata Gallina : ESSAI BREF "L’image de soi dans les Mémoires : À travers ses mémoires, l’écrivain / le narrateur veut présenter au lecteur sa véritable personnalité.








Qu’est-ce que c’est que vraiment une autobiographie ?
Et pourquoi les hommes ont besoin de raconter leur vie et partager leurs mémoires ?

D’abord il faut « se mettre à nu », devant des potentiels lecteurs mais surtout devant soi-même, et il faut analyser sa vie pour découvrir lentement la personne qu’on est devenu grâce (ou à cause de) aux événements pendant son existence : donc l’action de « se peintre » est la même dans le cas d’une autobiographie et d’un autoportrait parce que le sujet se pose face à un miroir (imaginaire et intérieur dans le  premier cas) et il décrit ce qu’il voit en s’observant.
C’est-à-dire que Gumpp utilise simplement un art différent pour rejoindre les mêmes objectifs que ceux qui écrivent une autobiographie.
Mais quels sont donc ses objectifs ? Quelles sont ses motivations ?
Montaigne explicite qu’il écrit ses « Essais » sans « aucune fin », mais seulement pour la « commodité particulière » de ses parents et de ses amis, afin qu’ils « nourrissent la connaissance » de lui-même après sa mort.
Au contraire Rousseau écrit ses « Confessions » pour « montrer […] un homme dans toute la vérité de la nature », pas pour racheter son passé ou se justifier, mais pour démontrer que, peut-être, une enfance meilleure aurait pu le rendre une personne différente : dans ce projet il est soutenu par la fonction cathartique de l’écriture et par le désir un peu narcissique de parler de soi.
De la même façon Vittorio Alfieri retrouve l’origine du « scrivere di se stesso » dans le « molto amor di se stesso » : en effet on n’a pas envie de décrire quelqu’un qu’on déteste.
Selon Alfieri cet amour narcissique est un « dono […] che la natura in maggiore o minor dose concede agli uomini tutti, ed in soverchia dose agli scrittori » : l’écrivain italien confesse qu’il écrit sa « Vita scritta da esso » pour ses lecteurs qui « avranno qualche curiosità di sapere qual io mi fossi”.
Donc dans leur Mémoires on peut trouver Rousseau « tel que » il fut (il arrive à dire que, au moment du Jugement Dernier, il ira devant l’Être éternel avec ses « Confessions » à la main). Montaigne affirme clairement : « Je suis moi-même la matière de mon livre » et « C’est moi qui je peins », Alfieri déclare qu’il va « vendere la vita » de soi-même.
Toutefois l’Empereur Hadrien, qui dans le roman de Marguerite Yourcenar s’adresse à son « cher Marc », ne se décrit pas dans toute la vérité, mais il « épargne des détails désagréables » et réfléchit, désormais vieux, sur son corps qui « finira pour dévorer son maître » et sur sa dignité de chef d’État, difficile à préserver pendant la maladie.

L’homme peut en conclusion avoir beaucoup de raisons pour écrire ses mémoires.Par exemple pour combattre la peur de l’oubli et de la mort, parce qu’on connaît bien la fonction éternisante de l’écriture, qui rend immortels les auteurs et leurs personnages. Grâce à l’écriture on peut aussi mieux se découvrir et se connaître, et donc on peut utiliser l’autobiographie comme une sorte de psychanalyse.
Encore, écrire sur soi-même peut servir à se libérer des passions en les exprimant, c’est-à-dire à se défouler. De plus, quelquefois on veut raconter des expériences de vie, des voyages, des maladies, parce que notre exemple pourrait être utile à l'avenir pour d'autres gens.
À la fin, peut-être, le désir de « vider le sac » avec quelqu’un (qu'il soit réel ou imaginaire) est la raison la plus prépondérante qui pousse l’homme à se raconter.



Henri Tachan "Quand je serai vieux..."



Lorsque je serai vieux, au terme du voyage,
Mes yeux regarderont encore le paysage,
Et je serai, bien plus qu'avant, émerveillé,
Car j'aurai de nouveau mes grands yeux d'écolier...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que je retrouve enfin un peu de ma jeunesse!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, je pardonnerai tout:
L'apathie des moutons et la hargne des loups,
Et je me moquerai de ces chagrins d'amour
Qui me venaient, jadis, tous les sept ou huit jours...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que des drames d'antan je me désintéresse!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, je fixerai les pierres,
Je humerai le vent et la pluie et la terre,
Et je m'arrêterai pour saluer un arbre,
Le vernis d'une feuille ou les veines du marbre...

Ah! Que vienne le temps de la pause-vieillesse,
Que je contemple enfin ce que les autres laissent!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée!

Lorsque je serai vieux, ma mie, tu seras vieille,
Et nous n'aurons, tous deux, plus de nez ni d'oreilles
Pour entendre leurs bruits, ni de dents pour nous mordre:
Il sera mort enfin, le temps de nos désordres...

Ah oui! Vienne le temps de la pause-tendresse,
Ma mie, ce joli temps, de la prime vieillesse...
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner,
Où ton cœur contre moi viendra dodeliner!
Ah! Que vienne le temps où je vais verveiner
De tilleuls en tisons près de la cheminée.