dimanche 1 avril 2018

Paul Valéry, La Crise de l’esprit (1919)






LICEO CLASSICO “E. CAIROLI” VARESE
SEZIONE ESABAC
BAC BLANC
Prova di  LINGUA E LETTERATURA FRANCESE

analisi di un testo


Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto.

Ce texte est l’ouverture de la première des deux « lettres » que Paul Valéry publie, d’abord en anglais, dans une revue de Londres, puis en français dans La Nouvelle Revue française du 1er août 1919. La Première Guerre mondiale  à peine achevée, l’écrivain s’interroge sur la fragilité des civilisations et de la culture, lançant un thème de réflexion majeur de la littérature de l’entre-deux-guerres.

Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers l'épaisseur de l'histoire, les fantômes d'immenses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après tout, n'étaient pas notre affaire.
Élam, Ninive, Babylone (1) étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania (2) aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. Les circonstances qui enverraient les ouvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux.
Ce n'est pas tout. La brûlante leçon est plus complète encore. Il n'a pas suffi à notre génération d'apprendre par sa propre expérience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnées sont périssables par accident; elle a vu, dans l'ordre de la pensée, du sens commun, et du sentiment, se produire des phénomènes extraordinaires, des réalisations brusques de paradoxes, des déceptions brutales de l'évidence.
Je n'en citerai qu'un exemple : les grandes vertus des peuples allemands ont engendré plus de maux que l'oisiveté jamais n'a créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, l'instruction la plus solide, la discipline et l'application les plus sérieuses, adaptés à d'épouvantable s desseins.
Tant d'horreurs n'auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d'hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects?

1) Élam est un ancien pays recouvrant une partie de l’Iran actuel, où s’épanouit une civilisation glorieuse entre le IVe et le IIe millénaire av. J-C. ; Ninive capitale de l’ancien empire d’Assyrie, connut son apogée au VIIe siècle av. J-C., puis fut détruite en 612 av. J-C. Babylone est une ancienne ville de Mésopotamie, dont la gloire est liée au règne de Nabuchodonosor II (VIe siècle av. J-C.), mais qui fut peu à peu désertée et abandonnée vers 300 av. J-C.  2) Paquebot  américain coulé par les Allemands en 1915. 

Paul Valéry, La Crise de l’esprit (1919)



COMPREHENSION

1)Quels éléments du texte font référence à la Première Guerre Mondiale ?
  
2)Relevez dans les 2e et 3e paragraphes  les expressions qui décrivent la fin des civilisation : quelles métaphores l’auteur utilise-t-il ? Quelles hyperboles donnent un ton apocalyptique au texte ?


INTERPRETATION

1)Quel valeur le pronom personnel « nous » a-t-il dans le premier phrase et dans le troisième paragraphe ? Quel effet provoque un tel glissement, souligné par le « Je » du début du cinquième paragraphe ?

 2) Comment l’auteur souligne-t-il l’actualité de la question de la fin des civilisations ?



REFLEXION PERSONNELLE

En  quoi « Savoir et Devoir » peuvent-ils être suspects de la mort des civilisations ?
Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres  que vous avez lues (300 mots environ).