jeudi 8 mars 2018

Beatrice Falcone : Commentaire dirigé "La courbe de tes yeux " de Paul Éluard







Épreuve ESABAC 2012

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Éluard, Capitale de la douleur, (1926)


COMPRÉHENSION

1)   Sur quelle figure géométrique se construit ce poème?

Ce poème a une structure circulaire (Ringkomposition) car il s’ouvre et se conclut avec le sens de la vue. Dans le premier vers le poète affirme que les yeux de la personne à qui il s’adresse font «le tourde [son] coeur». De la même façon, à la fin du poème les yeux sont nommés au v. 14 et représentés au v. 15 par les regards, tandis que le coeur est évoqué par le sang qui coule

2 ) À qui le poète s’adresse-t-il? Repérez et analysez les marques de l’énonciation

Le poète s’adresse à son être aimé. Il souligne ce lien en disant que les yeux de la femme aimée sont imprimés dans son coeur (v.1) et donnent une signification à sa vie (v.5). Son attachement est exalté par l’utilisation des adjectives possessives (tes yeux) en anaphore. En plus on comprend mieux que le profond sentiment qui lie Eluard à celle à qui il parle est l’amour quand au vers 14-15 il déclare son dépendance de ses yeux: le « moi »  du poète et le «  toi » se fondent enfin dans le «leurs» du v. 15.

3) Repérez et étudiez les mots et expressions appartenant au champ lexical de la lumière

Dans ce poème les yeux de la femme aimée sont souvent comparés à la lumière. On commence en les appelant « auréole du temps » (v.3) et puis, dans la strophe suivante, « feuilles de jour » (v. 6), « bateaux chargés du ciel » (v.9). Ils sont même la source des couleurs (v.10). La comparaison la plus incisive est celle du v.8, qui inclut un vers entier: ils sont rapprochés à des ailes qui couvrent le « monde de lumière ». dans la dernière strophe, enfin, en climax, le poète crée un parallélisme avec la lumière produite par les « aurores » (v.11) et les « astres » (v.12)


 INTERPRÉTATION

1) Comment le poète relie-t-il le regard de la femme à la nature et au cosmos?

1)Le poète relie le regard de la femme  à la nature et au cosmos par la juxtaposition de mots appartenant à   ce champ lexical: il crée donc des phrases nominales. Dans la deuxième strophe en particulier tous les sens sont nommés: la vue et le toucher des « feuilles », l’ ouïe du vent et des bruits, l’odorat des parfums. Les yeux sont comparés ainsi aux éléments naturels d’un locus amœnus.

2) En quoi peut-on parler d’un éloge amoureux ? Démontrez que la forme et le contenu de ce poème se font écho à cette fin.

Le poème peut être considéré un éloge amoureux. Eluard ouvre at conclut sa composition avec la femme aimée, mais le personnage qu’on trouve n’est pas le même qu’au début, car il est agrandie de toutes ses qualités. La parenthèse de la deuxième strophe fait imaginer au lecteur les lieux plus beaux possibles: la tranquillité domine, tout est en harmonie et la lumière rejoint chaque coin. Ainsi quad au v.14 l’être aimé retourne, on est fascinés par lui et on comprend la dépendance du poète et du monde entier de cette femme pure et innocente. La composition circulaire donc, exalte l’aimée et crée une ambiance de suspension onirique.


RÉFLEXION PERSONELLE

En évoquant l’être aimé, souvent les poètes s’adressent en  même temps à l’humanité. Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres poétiques que vous avez lues (300 mots environ)

Des mots doux, des promesses d’amour éternel, depuis la naissance de la littérature les poètes ont souvent voulu exprimer leur intense amour en éternisant le souvenir d’eux-mêmes ainsi que de l’être aimé. Mais la relation entre les deux amants peut influencer aussi la vie d’autres hommes, ou bien de l’humanité entière. Dans la littérature latine Catulle, en parlant à sa Lesbia, lui déclare son amour sans bornes. Cependant ce sentiment si grand crée le désir chez  les vieux qui souhaiteraient éprouver une telle émotion, mais ils ne peuvent plus  à cause de leur âge et de leur caractère. Comme des antagonistes donc, ils chuchotent de la relation entre Catulle et Lesbia (« rumoresque senum severiorum » ) et ils la maudissent ( «  ne quis malus invidere possit » ). Mais le poète n’a pas encore déclaré sa totale dépendance de  l’être aimé. Ce passage est bien visible dans la poésie courtoise et surtout chez les poètes du Stilnovo, en Italie. La femme aimée est complètement idéalisée: pure, innocente et belle, elle répand son  bonheur à quiconque la voit quand elle marche par la ville. On parle en effet de « donna angelo » (femme angélique). Chez Dante, elle devient même la personnification de la Théologie qui donne la salut à tous les hommes. Les hommes ainsi comme les anges, sont fascinés par elle et ils sont sous l’autorité de ses paroles. Virgile aussi, âme infernale, ne réussit pas à résister à ses yeux qui resplendissent comme des rayons. Le thème de l’assujettissement complet du poète de la femme aimée retourne aussi dans la littérature anglaise du XIXe siècle. Dans La belle dame sans merci  Keats représente l’aimée comme une figure aimable avec des caractéristiques féeriques. Elle vit en harmonie dan un locus amœnus, chante des chansons d’amour at aide les chevaliers blessés. Mais,  d’emblée,  on se retrouve sur une colline grise, parmi des cadavres. On découvre que tous les autres hommes qui comme nous ont été persuadés par ses paroles maintenant sont tombés dans le désespoir. c’est la dangereuse femme fatale.


Beatrice Falcone




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