lundi 23 juillet 2018

BEN E. KING : Stand By Me




Coucher de Soleil sur le lac de Varese



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Stand By Me
(Reste Contre Moi)

When the night has come
Quand la nuit est venue
And the land is dark
Et que la terre est sombre
And the moon is the only light we see
Et que la lune est la seule lumière que nous voyons
No, I won't be afraid
Non, je n'aurai pas peur
Oh, I won't be afraid
Oh, je n'aurai pas peur
Just as long as you stand
Tant que tu restes
Stand by me
Tu restes contre moi

(Chorus:)
So darling, darling
Alors chérie, chérie
Stand by me
Reste contre moi
Oh, stand by me
Oh, reste contre moi
Oh stand, stand by me, stand by me
Oh, reste, reste contre moi, reste contre moi

If the sky that we look upon
Si le ciel que nous contemplons
Should tumble and fall
Devait dégringoler et tomber
Or the mountains should crumble in the sea
Ou si les montagnes devaient s'écrouler dans la mer
I won't cry, I won't cry
Je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas
No, I won't shed a tear
Non, je ne verserai pas une larme
Just as long as you stand
Tant que tu restes
Stand by me
Tu restes contre moi

(Chorus) (x2)

Whenever you're in trouble
A chaque fois que tu es malheureuse
Won't you stand by me, oh stand by me
Pourquoi ne resterai-tu pas contre moi, oh reste contre moi









samedi 14 juillet 2018

ESABAC EPREUVES 2018 LITTERAIRE (SUPPLETIVA) - Louis Aragon : Aurélien




Villa Toeplitz Varese


ESAMI DI STATO DI ISTRUZIONE SECONDARIA 

SUPERIORE

SEZIONI ESABAC

Prova di: LINGUA E LETTERATURA FRANCESE


Svolga il candidato una delle seguenti prove a scelta tra:
a) analisi di un testo;
b) saggio breve.

a) analisi di un testo

Dopo avere letto il testo rispondete alle domande e elaborate una riflessione personale sul tema proposto.

Voici les premières lignes de ce roman, qui raconte l'histoire d'amour passionnée et douloureuse entre un jeune parisien de retour de la 1e guerre mondiale, Aurélien, et une jeune femme provinciale et mariée, Bérénice.

La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n'aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer (1) de celle-ci qui portait un nom de princesse d'Orient (2) sans avoir l'air de se considérer dans l'obligation d'avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n'aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l'avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d'ennui et d'irritation. Il se demanda même pourquoi. C'était disproportionné. Plutôt petite, pâle, je crois... Qu'elle se fut appelée Jeanne ou Marie, il n'y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà̀ bien ce qui l'irritait. Il y avait un vers de Racine que ça lui remettait dans la tête, un vers qui l'avait hanté pendant la guerre, dans les tranchées, et plus tard démobilisé. Un vers qu'il ne trouvait même pas un beau vers, ou enfin dont la beauté lui semblait douteuse, inexplicable, mais qui l'avait  bsédé,  qui l'obsédait encore:
Je demeurai longtemps errant dans Césarée...
En général, les vers, lui... Mais celui-ci lui revenait et revenait. Pourquoi ? C'est ce qu'il ne s'expliquait pas. Tout à fait indépendamment de l'histoire de Bérénice...l'autre, la vraie... D'ailleurs il ne se rappelait que dans ses grandes lignes cette romance, cette scie (3) . Brune alors, la Bérénice de la tragédie. Césarée, c'est du côté d'Antioche, de Beyrouth.

1) Présager. 2) princesse juive que Titus emmena à Rome après la prise de Jérusalem en 70 et dont l’histoire a inspiré en 1870 à Racine une tragédie du même nom et à Corneille une autre tragédie : Tite et Bérénice. 3) terme populaire pour désigner un thème obsédant.

Louis Aragon, Aurélien, 1944


Compréhension

1. Relevez dans ce texte le champ lexical de la laideur.

2. En quoi la première phrase est-elle paradoxale par rapport à la suite du récit ?

3. Quels sentiments Aurélien éprouve-t-il pour Bérénice ? Justifiez votre réponse.

Interprétation

1. Comment le narrateur rapproche-t-il Bérénice à la Bérénice de la tragédie de Racine ?

2. Quelles sont les caractéristiques d'Aurélien que le lecteur peut déduire du texte ?

Réflexion personnelle

Louis Aragon décrit d’une manière originale la naissance d’une passion amoureuse. Développez ce thème en vous appuyant aussi sur d’autres œuvres littéraires que vous connaissez 



b) saggio breve
Dopo aver analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole).

Poésie des choses, de l’objet au symbole

Document 1

Le poème est adressé à Amadis Jamyn (1540-1593), poète champenois, proche du cercle littéraire de la Pléiade, et ami de Pierre de Ronsard. Orthographe modernisée.

Lave ta main, qu’elle soit belle et nette,
Réveille-toi, apporte une serviette :
Une salade amassons, et faisons
Part à nos ans (1) des fruits de la saison.
D’un vague pied, d’une vue écartée
De ça, de là, en cent lieux rejetée
Sur une rive, et dessus un fossé,
Dessus un champ en paresse laissé (2)
Du laboureur, qui de lui-même apporte
Sans cultiver herbes de toute sorte,
Je m’en irai, solitaire, à l’écart.
Tu t’en iras, Jamyn, d’une autre part,
Chercher, soigneux, la boursette (3) touffue,
La pâquerette à la feuille menue,
La pimprenelle heureuse pour le sang
Et pour la rate, et pour le mal de flanc.
Je cueillerai, compagne de la mousse,
La responsette (3) à la racine douce
Et le bouton des nouveaux groseilliers
Qui le printemps annoncent les premiers.
Puis, en Usant l’ingénieux Ovide
En ces beaux vers où d’amour il est guide,
Regagnerons le logis pas à pas…
1) expression signifiant : partageons entre nous. 2) laissé non cultivé. 3) nom d’une variété de salade.

Pierre de Ronsard (1524-1585)

Document 2

Je suis la pipe d'un auteur ;
On voit, à contempler ma mine
D'Abyssinienne ou de Cafrine(1),
Que mon maître est un grand fumeur.

Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur.

J'enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,

Et je roule un puissant dictame (2)
Qui charme son cœur et guérit
De ses fatigues son esprit.
1) jeune et jolie femme de la Réunion. 2) plante médicinale originaire d'Amérique Centrale.

Charles Baudelaire, « La Pipe », dans Les Fleurs du mal, 1857

Document 3

La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.
Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable...
Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge, « Le pain », dans Le parti pris des choses (1942)

Document 4

L'abbiamo rimpianto a lungo l'infilascarpe,
il cornetto di latta arrugginito ch'era
sempre con noi. Pareva un'indecenza portare
tra i similori e gli stucchi un tale orrore.
Dev'essere al Danieli che ho scordato
di riporlo in valigia o nel sacchetto.
Hedia la cameriera lo buttò certo
nel Canalazzo. E come avrei potuto
scrivere che cercassero quel pezzaccio di latta?
C'era un prestigio (il nostro) da salvare
e Hedia, la fedele, l'aveva fatto.

Eugenio Montale, “L'abbiamo rimpianto a lungo l'infilascarpe” dans Xenia, II, 3, 1966

Nous l’avons longtemps regretté, ce chausse-pied,
cette demi-corne rouillée en fer blanc qui nous
accompagnait partout. Il semblait déplacé d’apporter
Parmi les similors et les stucs cette horreur.
Au Danieli j’ai oublié sans doute
de le ranger dans la valise ou dans la trousse.
Hedia, la femme de chambre, l'a certainement jeté
dans le grand canal. Comment aurais-je osé
écrire pour réclamer ce bout de ferraille?
Puisqu’il fallait sauver notre prestige, ce fut l’œuvre de Hedia la fidèle.

Eugenio Montale, dans Poèmes choisis, traduction de Patrice Dyerval Angelini, NRF, coll. Poésie/Gallimard, Paris, éd. nouvelle de 1991



Ceci n'est pas une pomme © G. Héras

René Magritte, Ceci n’est pas une pomme, 1964 

Ce tableau fait partie d’une série de toiles dénommée « La trahison des images » ; elles traitent du rapport entre l’objet, son identification et sa représentation. 




mercredi 11 juillet 2018

Jérémie Kisling : Antimatière





Villa Toeplitz Varese






N'attendez rien de moi
Je ne sais pas quoi faire
Si je parle tout bas
C'est que je voudrais me taire
Mes mots ne marchent pas
Mes gestes ne touchent pas
Je souffle du vide dans l'air
Je suis de l'antimatière

Je suis hors de portée
La lune c'est ma terre
J'ai la nuit sous mes pieds
Mon cœur est un cratère
Je m'applique à moitié
Je n'sais pas m'exprimer
Je me complique l'univers
Je m'imprime à l'envers

J'ai ruiné tous mes vœux
En attendant d'y croire 
Si je baisse les yeux
C'est que je crains le miroir
Aide-moi si tu veux
Plonge dans mon regard
Repêche le coin de bleu
Qui se noie dans le noir

N'attendez rien de moi
Je ne sais pas quoi faire
Si je parle tout bas
C'est que je voudrais me taire
Mes mots ne marchent pas
Mes gestes ne touchent pas
Je souffle du vide dans l'air
Je suis de l'antimatière

N'attendez rien de moi
Je ne sais pas quoi faire
Si je parle tout bas
C'est que je voudrais me taire
Mes mots ne marchent pas
Mes gestes ne touchent pas
Je souffle du vide dans l'air
Je suis de l'antimatière





L'antimatière est une forme "miroir" de la matière. Elle a été prédite en 1931 par Paul Dirac à partir de l'équation qu'il a découverte presque par des considérations purement mathématiques et esthétiques en cherchant une forme relativiste pour l'équation de Schrödinger des électrons.
Il a ainsi associé à chaque particule élémentaire une jumelle quasiment identique si ce n'est une charge opposée et de légères différences dans certains taux de réactions entre particules à hautes énergies.




jeudi 5 juillet 2018

ESABAC EPREUVES 2018 : Laurent Gaudé, Eldorado. 2006, Commentaire dirigé - Essai bref : Musique pour vivre, musique pour écrire…





Henri Matisse, La tristesse du Roi, 1952, papiers gouachés, découpés, marouflés sur toile, 292 x 386 cm, Centre Pompidou, Paris




Mais il y eut ces cris poussés à l’aube du deuxième jour, ces cris qui renversèrent tout et marquèrent le début du second voyage. De celui-là, elle se rappelait chaque instant. Depuis deux ans, elle le revivait sans cesse à chacune de ses nuits. De celui-là, elle n’était jamais revenue.

Les cris avaient été poussés par deux jeunes Somalis. Ils s’étaient réveillés avant les autres et donnèrent l’alarme. L’équipage avait disparu. Ils avaient profité de la nuit pour abandonner le navire, à l’aide de l’unique canot de sauvetage. La panique s’empara très vite du bateau. Personne ne savait piloter pareil navire. Personne ne savait, non plus, où l’on se trouvait. A quelle distance de quelle côte ? Ils se rendirent compte avec désespoir qu’il n’y avait pas de réserve d’eau ni de nourriture. Que la radio ne marchait pas. Ils étaient pris au piège. Encerclés par l’immensité de la mer. Dérivant avec la lenteur de l’agonie. Un temps infini pouvait passer avant qu’un autre bateau ne les croise. Les visages, d’un coup, se fermèrent. On savait que si l’errance se prolongeait, la mort serait monstrueuse. Elle les assoifferait. Elle les éteindrait. Elle les rendrait fous à se ruer les uns contre les autres.

Tout était devenu lent et cruel. Certains se lamentaient. D’autres suppliaient leur Dieu. Les bébés ne cessaient de pleurer. Les mères n’avaient plus d’eau. Plus de force. Plus les heures passaient et plus les cris d’enfants faiblissaient d’intensité – par épuisement- jusqu’à cesser tout à fait. Quelques bagarres éclatèrent, mais les corps étaient trop faibles pour s’affronter. Bientôt, ce ne fut plus que silence.

Laurent Gaudé, Eldorado, 2006

COMPREHENSION

1)Relevez le champ lexical de l’angoisse
2)Pourquoi, d’après vous, le narrateur utilise-t-il le conditionnel 
(lignes11 -13)
3)Observez la construction des phrases. Quel effet le narrateur  cherche-t-il  à produire ?

INTERPRETATION

1)Confronter la première et la dernière phrase du texte : quels changements remarquez-vous ?
2)Qu’est-ce que le narrateur veut dénoncer par le biais de cet extrait ?

REFLEXION PERSONNELLE

Cet extrait décrit le voyage comme tentative désespérée de fuite vers un avenir meilleur. Développez une réflexion personnelle sur ce thème en vous appuyant aussi sur vos lectures 






b) saggio breve

Dopo aver analizzato l’insieme dei documenti, formulate un saggio breve in riferimento al tema posto (circa 600 parole).

Musique pour vivre, musique pour écrire…

Document 1
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autre fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

Charles Baudelaire, « LXIX – La Musique », Les fleurs du mal, 1857

Document 2
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe (1) assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
1) Trait d’esprit dans les épigrammes ou à la fin des poèmes

Paul Verlaine, « Art poétique », Jadis et Naguère, 1885


Document 3
Tout occupé par mes comparaisons, je n'ai point encore dit l'immense plaisir que Gertrude (1) avait pris à ce concert de Neuchâtel. On y jouait précisément La symphonie pastorale. Je dis "précisément" car il n'est, on le comprend aisément, pas une œuvre que j'eusse pu davantage souhaiter de lui faire entendre. Longtemps après que nous eûmes quitté la salle de concert, Gertrude resta encore silencieuse et comme noyée dans l'extase.
- Est-ce que vraiment ce que vous voyez est aussi beau que cela ? dit-elle enfin.
- Aussi beau que quoi, ma chérie ?
- Que cette « scène au bord du ruisseau ».
Je ne lui répondis pas aussitôt, car je réfléchissais que ces harmonies ineffables peignaient, non point le monde tel qu’il était, mais bien tel qu’il aurait pu être, qu’il aurait pu être sans le mal et sans le péché. Et jamais encore je n’avais osé parler a Gertrude du mal, du péché, de la mort.
- Ceux qui ont des yeux, dis-je enfin, ne connaissent pas leur bonheur.
- Mais moi qui n'en ai point, s'écria-t-elle aussitôt, je connais le bonheur d'entendre.
1) Jeune orpheline aveugle de quinze ans recueillie et élevée par le pasteur qui raconte cet épisode.

André Gide, La symphonie pastorale, 1919


Document 4

Ora, tu pensa un pianoforte. I tasti iniziano. I tasti finiscono. Tu sai che sono ottantotto, su questo nessuno può fregarti. Non sono infiniti loro. Tu sei infinito e dentro quegli ottantotto tasti la musica che puoi fare è  infinita.
Questo a me piace. In questo posso vivere.
Ma se io salgo su quella scaletta e davanti a me si srotola una tastiera di milioni di tasti. Milioni e miliardi di tasti che non finiscono mai, e questa è la verità che non finiscono mai…quella tastiera è infinita…
Ma se quella tastiera è infinita, allora su quella tastiera non c’è musica che puoi suonare.
Ti sei seduto su un seggiolino sbagliato: quello è il pianoforte su cui suona Dio. […]
Ma non avete paura, voi, solo a pensarla quell’enormità? Solo a pensarla, a viverla?
Io ci sono nato su questa nave. E vedi anche qui il mondo passava, ma non più di duemila persone per volta. E di desideri ce n’erano, ma non più di quelli che ci potevano stare su una nave tra una prua e una poppa. Suonavi la tua felicità su una tastiera che non era infinita.
Io ho imparato a vivere in questo modo…
La terra, è una nave troppo grande per me. È una donna troppo bella. È un viaggio troppo lungo. È un profumo troppo forte. È una musica che non so suonare. Non scenderò dalla nave.

Alessandro Baricco, Novecento: Un monologo, Feltrinelli, 1994

Imagine, maintenant : un piano. Les touches ont un début. Et les touches ont une fin. Toi, tu sais qu'il y en a quatre-vingt-huit, là-dessus personne peut te rouler. Elles sont pas infinies, elles. Mai toi, tu es infini, et sur ces touches, la musique que tu peux jouer elle est infinie. Elles, elles sont quatre-vingt-huit.
Toi, tu es infini. Voilà ce qui me plaît. Ça, c'est quelque chose qu'on peut vivre. Mais si je monte sur cette passerelle et que devant moi se déroule un clavier de millions de touches, des millions, des millions et des milliards de touches, qui ne finissent jamais, et ce clavier-là, il est infini…
Et si ce clavier est infini, alors sur ce clavier-là, il n'y a aucune musique que tu puisses jouer. Tu n'es pas assis sur le bon tabouret : ce piano-là, c'est Dieu qui y joue. […]
Vous n'avez jamais peur, vous, d'exploser, rien que d'y penser, à toute cette énormité, rien que d'y penser? D'y vivre...
Moi, j'y suis né, sur ce bateau. Et le monde y passait, mais par deux mille personnes à la fois. Et des désirs, il y en avait aussi, mais pas plus que ce qui pouvait tenir entre la proue et la poupe. Tu jouais ton bonheur, sur un clavier qui n'était pas infini.
C'est ça que j'ai appris, moi. La terre, c'est un bateau trop grand pour moi. C'est un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas.

Alessandro Baricco, Novecento : pianiste. Un monologue, traduction de Françoise Brun, Gallimard, coll. Folio, nouvelle éd., 2017