jeudi 31 mars 2016

FEDERICO PODANO et ALICE PRESTINT : " Un amour impossible" de Christine Angot (GONCOURT DES LYCEENS ITALIENS)




Un amour impossible, de Christine Angot

Un roman gâché

       Après plusieurs œuvres du même genre, Christine Angot nous a présenté à la rentrée littéraire de cette année un nouveau roman autobiographique, Un amour impossible, qui a attiré l’attention de la critique.

       L’amour en question est celui entre les parents de l’écrivaine, qui sont donc les vrais protagonistes du roman. Christine Angot nous raconte le développement de la relation difficile entre Rachel, sa mère, et Pierre, son père, du début jusqu’à la fin, en suivant une structure chronologique linéaire dans laquelle elle inclut forcément une grande partie de sa propre vie aussi. La richesse des détails nous permet de comprendre les phases de cet « amour impossible » et en général le rôle joué par les autres personnages. Cependant, l’intrigue ne manque pas de rebondissements qui créent une histoire plus captivante.

       Le style est la pierre d’achoppement de ce roman. Il n’y a pas  une seule phrase du livre qui ne soit pas calquée sur le langage orale : ce choix est peut-être compréhensible dans les dialogues, mais pas dans les autres parties de l’œuvre. Ce « réalisme de la langue » ne met pas en valeur les contenus du texte et rend la lecture presque fatigante dans certains passages : une entière chanson de Dalida transcrite au moment d’un bal, un long discours d’une femme allemande avec des « f » à la place des « v » et « ch » au lieu de « j » pour imiter sa prononciation imparfaite donnent du mal à lire plutôt que caractériser le contexte.

       Bien que l’auteure utilise la première personne sans interruption, même dans le début du roman (quand elle n’est pas encore née), elle ne raconte pas vraiment l’histoire de l’intérieur des faits ; par contre, elle regarde tous les événements de l’extérieur et laisse trop peu d’espace aux réflexions de la jeune Christine, qui portent la narration à un niveau plus profond, mais qui sont concentrées dans les toutes dernières pages. Les sentiments et les pensées de sa mère, en revanche, sont bien mises en évidence et le regard du narrateur est presque toujours fixé sur elle. Par conséquent, le seul personnage du roman avec lequel on arrive à trouver une réelle empathie est celui de Rachel, alors que Christine, quoiqu’elle soit bien plus qu’une figurante, ne nous laisse rien et se révèle parfois désagréable.

       En conclusion, la matière et les thèmes de ce roman donnent au lecteur de bonnes occasions de méditation, mais on ne peut pas vraiment considérer Un amour impossible une œuvre inoubliable.


Federico Podano










Rachel, jeune femme juive, “Un amour impossible” … à écrire et à lire!

Rachel, jeune femme juive et appartenante à une classe sociale basse, a une relation pleine de passion avec Pierre, homme cultivé et issu d’une riche famille.
Bien qu'ils aient un enfant, c'est-à-dire Christine, Pierre, afin de conserver sa liberté, refuse d’épouser Rachel et de reconnaître Christine comme sa fille.
Pendant les premières années de vie de Christine, mère et fille développent une forte affection l'une pour l'autre, et leur rapport est l'une des rares choses qui apportent du bonheur à toutes les deux.
Mais qu'est-ce qui arrivera quand Pierre décidera de recommencer à faire partie de leurs vies? Est-ce que le rapport entre la mère et la fille se détériorera? Mais surtout: comment Christine pourra-t-elle continuer à vivre après l’atrocité que son père aura commise envers elle, sa propre fille?
Ce roman  autobiographique  de Christine Angot touche des thématiques et des situations délicates et bien difficiles à écrire, surtout si on considère que l'auteur les a vécues en première personne. Il semble que l’auteur ne soit pas vraiment à son aise et qu'elle trouve beaucoup de difficulté à présenter les personnages, dont l’aspect psychologique résulte parfois seulement ébauché.
Par conséquent, c'est dur pour le lecteur de se reconnaître dans les personnages et de les comprendre complètement.
En plus, l’architecture du roman n’aide pas  du tout le lecteur pendant la lecture: la première moitié du livre procède très lentement, alors que, quand on arrive au moment de la découverte des actions du père sur la fille, le rythme s’accélère brusquement, au point que, dans deux ou trois pages, on parcourt des décades entières de la vie de Christine.
À cause de cette raison, on peut avoir la perception que la protagoniste se conduise de manière étrange, et le livre résulte un peu incohérent.
En outre, c'est vrai que le registre linguistique approprié pour ce genre de romans ne doit pas être trop élevé, mais le style de ce livre semble être un peu trop près du quotidien, et il y a un peu trop d’expressions argotiques.
Les dialogues entre les personnages sont souvent banaux, monotones et ennuyeux, et parfois le livre se concentre un peu trop sur des détails qui sont secondaires, en laissant de côté des aspects plus dignes d'être approfondis. Même le sujet principal du livre est seulement ébauché et le résultat n'est pas celui d’une recherche de délicatesse, mais d’un effet de superficialité.
Pour conclure, on peut apercevoir le grand effort de Christine Angot dans ce roman et on peut même l’excuser, du moment que n’importe qui aurait trouvé difficile de raconter d’une expérience si mauvaise, mais on ne peut pas affirmer que son livre est  bien réussi.
appartenant à une classe sociale basse, a une relation pleine de passion avec Pierre, homme cultivé et issu d’une riche famille.
Bien qu'ils aient un enfant, c'est-à-dire Christine, Pierre, afin de conserver sa liberté, refuse d’épouser Rachel et de reconnaître Christine comme sa fille.
Pendant les premières années de vie de Christine, mère et fille développent une forte affection l'une pour l'autre, et leur rapport est l'une des rares choses qui apportent du bonheur à toutes les deux.
Mais qu'est-ce qui arrivera quand Pierre décidera de recommencer à faire partie de leurs vies? Est-ce que le rapport entre la mère et la fille se détériorera? Mais surtout: comment Christine pourra-t-elle continuer à vivre après l’atrocité que son père aura commise envers elle, sa propre fille?
Ce roman  autobiographique  de Christine Angot touche des thématiques et des situations délicates et bien difficiles à écrire, surtout si on considère que l'auteur les a vécues en première personne. Il semble que l’auteur ne soit pas vraiment à son aise et qu'elle trouve beaucoup de difficulté à présenter les personnages, dont l’aspect psychologique résulte parfois seulement ébauché.
Par conséquent, c'est dur pour le lecteur de se reconnaître dans les personnages et de les comprendre complètement.
En plus, l’architecture du roman n’aide pas  du tout le lecteur pendant la lecture: la première moitié du livre procède très lentement, alors que, quand on arrive au moment de la découverte des actions du père sur la fille, le rythme s’accélère brusquement, au point que, dans deux ou trois pages, on parcourt des décades entières de la vie de Christine.
À cause de cette raison, on peut avoir la perception que la protagoniste se conduise de manière étrange, et le livre résulte un peu incohérent.
En outre, c'est vrai que le registre linguistique approprié pour ce genre de romans ne doit pas être trop élevé, mais le style de ce livre semble être un peu trop près du quotidien, et il y a un peu trop d’expressions argotiques.
Les dialogues entre les personnages sont souvent banaux, monotones et ennuyeux, et parfois le livre se concentre un peu trop sur des détails qui sont secondaires, en laissant de côté des aspects plus dignes d'être approfondis. Même le sujet principal du livre est seulement ébauché et le résultat n'est pas celui d’une recherche de délicatesse, mais d’un effet de superficialité.

Pour conclure, on peut apercevoir le grand effort de Christine Angot dans ce roman et on peut même l’excuser, du moment que n’importe qui aurait trouvé difficile de raconter une expérience si mauvaise, mais on ne peut pas affirmer que son livre est  bien réussi.


Alice Prestint

lundi 28 mars 2016

Les Enfoirés 2016 Liberté de Paul Eluard




Firenze 






Liberté

Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

PAUL ELUARD

vendredi 25 mars 2016

Paul Fort, Eric Zimmermann, Brassens, Barbara : "Il faut nous aimer sur terre"






Il faut nous aimer sur terre 

Il faut nous aimer sur terre
Il faut nous aimer vivants

Ne crois pas au cimetière.
Il faut nous aimer avant

Ma poussière et ta poussière 
deviendront le gré des vents

Paul Fort  





Sans curé, maire, notaire
Ou avec, ça se défend,
Il faut nous aimer sur terre
Il faut nous aimer vivants


Ne crois pas au cimetière
Il faut nous aimer avant


A moins d’être au monastère
Et toi, ma belle au couvent.
Il faut nous aimer sur terre
Il faut nous aimer vivants


Ne crois pas au cimetière
Il faut nous aimer avant


N’embarquons pas pour Cythère
Morts et froids les pieds devant.
Il faut nous aimer sur terre
Il faut nous aimer vivants


Ne crois pas au cimetière
Il faut nous aimer avant


Ma poussière et ta poussière
Deviendront le jouet du vent
Il faut nous aimer sur terre
Il faut nous aimer vivants




"Cette chanson me fait penser à une autre chanson de Barbara, qui n’est pas la plus connue, et qui s’appelle 
« C’est trop tard ».
 Je ne résiste pas au plaisir de vous en copier ici les paroles."



C'est trop tard 
C'est trop tard pour verser des larmes 

Maintenant qu'ils ne sont plus là.
Trop tard, retenez vos larmes.
Trop tard, ils ne les verront pas
Car c'est du temps de leur vivant
Qu'il faut aimer ceux que l'on aime,
Car c'est du temps de leur vivant
Qu'il faut donner à ceux qu'on aime.
Ils sont couchés dessous la terre
Dans leurs maisons froides et nues
Où n'entrera plus la lumière,
Où plus rien ne pénètre plus.


Que feront-ils de tant de fleurs,
Maintenant qu'ils ne sont plus là ?
Que feront-ils de tant de fleurs,
De tant de fleurs à la fois ?
Alliez-vous leur porter des roses
Du temps qu'ils étaient encore là ?
Alliez-vous leur porter des roses ?
Ils auraient préféré, je crois.
Que vous sachiez dire je t'aime,
Que vous leur disiez plus souvent,
Ils auraient voulu qu'on les aime
Du temps, du temps de leur vivant.


Les voilà comme des statues
Dans le froid jardin du silence
Où les oiseaux ne chantent plus,
Où plus rien n'a plus d'importance.
Plus jamais ne verront la mer,
Plus jamais le soir qui se penche,
Les grandes forêts en hiver,
L'automne rousse dans les branches,
Mais nous n'avons que des regrets,
Mais nous n'avons que des remords,
Mais ils ne le sauront jamais.
Ils n'entendent plus, c'est trop tard,

jeudi 24 mars 2016

Arthur Rimbaud : Le bateau ivre









Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.