samedi 7 novembre 2015

Daniel Pennac reçoit le prix Piero Chiara à la carrière



Luino, Varese, 

Daniel Pennac a  reçu le 1er novembre le 

"Premio Piero Chiara  alla carriera" 

pour son oeuvre.




Je remercie pour les photos Laura C., Jacopo M.,Elisa M.
et Giovanni F., pour avoir résumé les réponses de l'écrivain



Pourquoi continuez-vous à écrire?

Me demander pourquoi je continue à écrire, c'est comme demander à une personne pourquoi elle a  de l'appétit. Donc, 
pour moi l'écriture est une question d'appétit, pas du ventre mais 
de la tête. C'est, en effet, l'esprit qui demande sa ration, même si quelquefois il est constipé. En ce cas, je peut faire des mois sans rien écrire. Et si je n'écris pas, je tombe dans le doute. Mais vous ne devez pas penser que le doute de l'écrivain soit différent des autres doutes, c'est la même chose, parce que le doute est quelque chose de générale, aussi pour l'écriture que je peux décrire comme un rythme vital, pas constant, mais absolument nécessaire à vivre.

Qu'est-ce que la sensation linguistique pour vous?

Quand je parle de la sensation linguistique, j'utilise une métaphore avec une baleine:Maintenant je suis une baleine à la surface, et je suis en train de parler avec des amis. Après, je ne sais pas quand précisément, je ne me plonge pas dans l'eau, mais dans la langue, qui est pour mois comme un élément naturel, avec la terre, l'air
et cœtera. Voilà ce que c'est pour moi l'écriture: une immersion dans la langue ou le plancton que je mange est lexical, composé par des mots. Mais vous devez savoir que les baleines ont un palais très fin, et elle rejettent beaucoup plus de plancton qu' elle n'en mangent réellement. Et ça passe aussi pour moi, quand, le soir, je me retrouve avec 2 lignes, 3 lignes, une demi-page écrite maximum. Mais on peut faire aussi un autre exemple avec les baleines: vous savez que l' étiologie parle d'échouage  des baleines avec la lune, c'est absolument pas ça. Les baleines sortaient de l'eau pour se libérer des coquillages. C'est la même chose pour les écrivains, qui vont se libérer des choses qui rendent difficile l'écriture.



Quand vous êtes en train d'écrire, êtes-vous vraiment libre d'écrire ce que vous préférez?

Je peut dire oui et non. Je sui libre d'écrire librement dans les romans, parce que je ne pense pas au lecteur, je peux le voir, 
mais il est très très loin de moi, donc je peut être indifférent à sa réaction. Ça c'est pas possible pour les essais, par exemple pour Comme un roman, parce que en ce cas je suis fortement obligé à penser aux lecteurs, à leurs réaction aussi critiques quelquefois.
Le publique des romans est, au contraire, imprévisible pour l'écrivain et c'est pur ça que je me sent libre d'écrire des romans "populaires", dans la nuance de romans qui comptent des histoires très simples, mais avec un signification plus profonde, pas compréhensible pour tous.


Pourquoi avez vous décidé de faire du théâtre?

Le théâtre est pour rencontrer des gens. J'ai décidé de faire du théâtre quand je suis parti à la retraite. J'ai terminé d'enseigner avec l'idée de dédier ma vie à l'écriture, mais le trop temps libre a  fait émerger toutes mes préoccupations, problèmes, insécurités. 
Le théâtre est devenu pour moi un lieu de rencontre avec un public chaque fois différent. Après une soirée au théâtre, je suis vraiment heureux de rentrer chez moi en solitude pour écrire. J'ai un terrible besoin de vie, parce que écrire, c' est une activité de solitude, et moi j'étais habitué à la vie des classes, problématiques, mais vitales.

Que pensez-vous de l'importance de la culture?

La culture peut avoir deux natures différentes: on peut parler 
d'une culture de propriété, si on ne veut pas la partager avec les autres parce que on regarde à elle comme quelque chose de très personnelle. Ou, en d'autres cas, la culture est commune parce que communes sont les lieux où l'on apprend (la famille, l'école, les amis). Et si on prend conscience de notre culture, nous sommes illuminés et on ressent le besoin de enseigner aux autres. C'est le cas des professeurs qui ont à faire avec des fainéants: ils doivent combattre la peur de ne pas comprendre, une peur qui peut très facilement devenir haine pour soi-même, violence vers les autres ou honte.


Face à la crise de la culture humaniste, qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait faire?

On peut dire ça: je voudrais ouvrir une école ou je ferais deux choses, très différentes mais complémentaires: j'ensegnerai à faire le pain, à être des plombiers, des menuisiers. Mais, au même temps, j' organiserais des visites aux musées, aller au théâtre, au cinéma, faire des lectures à haute voix. Et aussi à apprendre à gérer soi-même et les autres, pour être capable de bien vivre en société et en solitude, dans des groupes anarchistes mais vivables.

Dans plusieurs de vos romans on trouve des communautés cosmopolites, que pensez-vous des immigrations d'aujourd'hui?

Notre monde est plein d' images de mort et de pauvreté que les média nous offrent tous les jours. À cause de cela, nous avons une conception terrible du monde, parce que les média attaquent notre instinct de survivre, pas négatif par nature, basé sur la peur de l'inconnu et du changement. Si on parle des immigrations, c'est seulement une question de chiffres. Les réfugiés sont 3 millions? Nous sommes en Europe, je crois 167 millions, donc où est le problème d'accepter 3 millions de personnes? On devrait se libérer des médias et penser par exemple aux immigrations en France pendant le XXème siècle: beaucoup,  beaucoup de gens sont émigrés en France et pendant ces années dans les journaux on a eu la naissance des mots racistes contre les immigrés. Mais la France d'aujourd'hui est née grâce à ces immigrés comme la France de demain sera faite par les syriens que nous accepterons...