mardi 23 juin 2015

Marguerite Duras "Un barrage contre le pacifique" (1950)




Dans l'attente de l'épreuve ESABAC 2015 

quelques éléments pour l'analyse de l'extrait 



Introduction 


   SON TITRE

Il est symbolique. Le Pacifique est un des plus vastes océans du monde, avec des mers bordières, la mer de Chine et le golfe du Siam.  Ce sont elles qui inondent la concession de la mer. Mais le roman ne les mentionne jamais, insistant au contraire sur la puissance de « l’océan » (cf. pp. 32-33)  qui détruit les barrages, toujours évoqués au pluriel (cf. p. 30, p. 250). Le singulier du titre prend donc une valeur particulière en soulignant l’aspect dérisoire d’ »un barrage » contre un océan. C’est un projet démesuré, une folie, un rêve irréalisable qui ne peut qu’échouer. Le titre illustre, de ce fait, la résistance, perdue d’avance, contre une force plus puissante, image de l’impuissance des individus contre le système colonial tout entier, de la lutte sans espoir de « la mère » contre « les agents du cadastre » qui lui ont accordé sa concession incultivable. (cf. pp. 289-290)    












" Il leur avait semblé à tous les trois que c'était une bonne idée d'acheter ce cheval. Même si ça en devait servir qu'à payer les cigarettes de Joseph. D'abord, c'était une idée, ça prouvait qu'ils pouvaient encore avoir des idées. Puis ils se sentaient moins seuls, reliés par ce cheval au monde extérieur, tout de même capables d'en extraire quelque chose, de ce monde, même si c'était misérable, d'en extraire quelque chose qui n'avait pas été à eux jusque-là, et de l'amener jusqu'à leur coin de plaine saturée de sel, jusqu'à eux trois saturés d'ennui et d'amertume. c'était ça les transports : même d'un désert, où rien ne pousse, on pouvait encore faire sortir quelque chose, en le faisant traverser à ceux qui vivent ailleurs, à ceux qui sont du monde.
Cela dura huit jours. Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour un cheval, un vieillard centenaire. Il essaya honnêtement de faire le travail qu'on lui demandait et qui était bine au dessus de ses forces depuis longtemps, puis il creva.
Ils en furent dégoûtés, si dégoûtés, en se retrouvant sans cheval sur leur coin de plaine, dans la solitude et la stérélité de toujours, qu'ils décidèerent le soir même qu'ils iraient tous les trois le lendemain à Ram, pour essayer de se consoler en voyant du monde.
Et c'est le lendemain à Ram qu'ils devaient faire la renconre qui allait changer leur vie à tous.
Comme quoi une idée est toujours une bonne idée, du moment qu'elle fait faire quelque chose, même si tout est entrepris de travers, par exemple avec des chevaux moribonds. Comme quoi une idée de ce genre est toujours une bonne idée, même si tout échoue lamentablement, parce qu'alors il arrive au moins qu'on finisse par devenir impatient, comme on ne le serait jamais devenu si on avait commencé par penser que les idées qu'on avait étaient de mauvaises idées."