vendredi 1 mai 2015

Depuis hier jusqu'aujourd'hui : Les émigrants sont toujours maudits









Ellis Island est une île située à l'embouchure de l'Hudson à New York, moins d'un kilomètre au nord de Liberty Island qui abrite la statue de la Liberté. Elle a été, dans la première partie du xxe siècle, l'entrée principale des immigrants qui arrivaient aux États-Unis. Les services d'immigration y ont fonctionné du  jusqu'au. L'île est gérée par le gouvernement fédéral et fait désormais partie du monument national de la Statue de la Liberté, sous la juridiction du service des parcs nationaux des États-Unis et abrite un musée. Territorialement, elle est partagée entre la ville de Jersey City dans le New Jersey et la ville de New York dans l'État de New York. 83% de l'île appartient à la ville de New Jersey.













T'en souviens-tu, Djamel, quand tu as débarqué?
Les cousins t'avaient dit que c'était la terre promise.
On t'a pris tes papiers, on t'a déshabillé.
T'as attendu des heures sans même une chemise.
Te souviens-tu, Djamel, des regards de mépris
Des autres voyageurs quand tu as pris le train?
Toi, tu voulais sourire et tu n'as pas compris
Que c'était le commencement d'un nouveau quotidien.
Te souviens-tu, Djamel, du patron de bistrot
Qui t'a refusé une bière, un soir, rue des Abbesses.
Comme tu ne te fâchais pas, que tu demandais de l'eau,
L'a fait sortir son chien de sous le tiroir-caisse.
Te souviens-tu, Djamel, du soir où tu t'es fait
Casser bêtement la gueule par une bande de tondus?
Il y a des beaux quartiers qu'il vaut mieux éviter
Quand on n'est pas comme ceux qui possèdent les rues.
Te souviens-tu, Djamel, des boulots des débuts:
Balayeur, éboueur, manoeuvre sur les chantiers
Et la gamelle froide et la chambre exigüe?
Te voilà installé mais tout n'a pas changé.
Maintenant, tu sais, Djamel, quand tu passes au péage
D'une autoroute, que tu vas te faire arrêter.
Les flics, c'est bien connu, respectent les usages:
L'usage veut qu'on contrôle plutôt les gens bronzés.
Et tu verrais, Djamel, si tu venais chez moi,
Le temps qu'il te faudrait pour passer la frontière
Avec tes cheveux longs, ton accent de là-bas.
Faut dire que tu n'as pas l'allure d'un homme d'affaires.
On pourrait continuer, Djamel, t'en souviens-tu?
Les sarcasmes des filles, la haine des parents.
Ce que je voulais dire, c'est simplement salut
A toi et à tous ceux que l'on dit différents.
Ce que je voulais dire, c'est simplement salut
A toi et à tous ceux que l'on dit différents.






LES IMMIGRES


Dans la chaleur pesante
De la salle d'attente,
A Lausanne, une nuit,
Ils sont là, vingt ou trente,
Qui somnolent ou qui chantent
Pour passer leur ennui.

Ils ne parlent pas mon langage,
Viennent d'Espagne ou d'Italie,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.

Ils ont, dans leur valise,
Un trésor: trois chemises,
Un pantalon usé.
Dehors, le froid, la bise
Râclent la pierre grise
Et le goudron du quai.

Ils viennent bâtir nos barrages,
Nos ponts, nos autoroutes aussi,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.

Leur maison, leur famille,
Leurs garçons et leurs filles,
Ils ont dû les laisser:
C'est la loi qui le dit,
Paraît qu' dans mon pays
Il y a trop d'étrangers.

Leur faudra du coeur à l'ouvrage
Et puis apprendre à dire oui,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.

Ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent,
Ça n'a pas d'importance,
On ne veut que leurs bras.
Et tout ça est normal,
Et tout ça me fait mal,
Ça se passe chez moi.

Ils retrouveront leur village
Quand on n' voudra plus d'eux ici,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent!






Comment crois-tu qu’ils sont venus?
Ils sont venus, les poches vides et les mains nues
Pour travailler à tours de bras
Et défricher un sol ingrat

Comment crois-tu qu’ils sont restés?
Ils sont restés, en trimant comme des damnés
Sans avoir à lever les yeux
Pour se sentir tout près de Dieu

Ils ont vois-tu, plein de ferveur et de vertu
Bâti un temple à temps perdu

Comment crois-tu qu’ils ont tenu?
Ils ont tenu, en étant croyants et têtus
Déterminés pour leurs enfants
À faire un monde différent
Les émigrants

Comment crois-tu qu’ils ont mangé?
Ils ont mangé, cette sacré vache enragée
Qui vous achève ou vous rend fort
Soit qu’on en crève ou qu’on s’en sort

Comment crois-tu qu’ils ont aimé?
Ils ont aimé, en bénissant leur premier né
En qui se mélangeait leurs sangs
Leurs traditions et leurs accents

Ils ont bientôt, créé un univers nouveau
Sans holocauste et sans ghettos

Comment crois-tu qu’ils ont gagné?
Ils ont gagné, quand il a fallu désigner
Des hommes qui avaient du cran
Ils étaient tous au premier rang
Les émigrants

Comment crois-tu qu’ils ont souffert?
Ils ont souffert, certains en décrivant l’enfer
Avec la plume ou le pinceau
Ça nous a valu Picasso

Comment crois-tu qu’ils ont lutté?
Ils ont lutté, en ayant l’amour du métier
Jusqu’à y sacrifier leur vie
Rappelez-vous Marie Curie
Avec leurs mains
Ils ont travaillé pour demain
Servant d’exemple au genre humain

Comment crois-tu qu’ils ont fini?
Ils ont fini, laissant un peu de leur génie
Dans ce que l’homme a de tous temps
Fait de plus beau fait de plus grand
Les émigrants