mardi 24 mars 2015

Barbara: "Il pleut sur Nantes"




Une chanson noire pour un affreux 

 souvenir de Barbara ...









Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin

Un matin comme celui-là
Il y a juste un an déjà
La ville avait ce teint blafard
Lorsque je sortis de la gare
Nantes m'était encore inconnue
Je n'y étais jamais venue
Il avait fallu ce message
Pour que je fasse le voyage:

"Madame soyez au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Faites vite, il y a peu d'espoir
Il a demandé à vous voir."

A l'heure de sa dernière heure
Après bien des années d'errance
Il me revenait en plein cœur
Son cri déchirait le silence
Depuis qu'il s'en était allé
Longtemps je l'avais espéré
Ce vagabond, ce disparu
Voilà qu'il m'était revenu

Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Je m'en souviens du rendez-vous
Et j'ai gravé dans ma mémoire
Cette chambre au fond d'un couloir

Assis près d'une cheminée
J'ai vu quatre hommes se lever
La lumière était froide et blanche
Ils portaient l'habit du dimanche
Je n'ai pas posé de questions
A ces étranges compagnons
J'ai rien dit, mais à leurs regards
J'ai compris qu'il était trop tard

Pourtant j'étais au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Mais il ne m'a jamais revue
Il avait déjà disparu

Voilà, tu la connais l'histoire
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage
Il voulait avant de mourir
Se réchauffer à mon sourire
Mais il mourut à la nuit même
Sans un adieu, sans un "je t'aime"

Au chemin qui longe la mer
Couché dans le jardin des pierres
Je veux que tranquille il repose
Je l'ai couché dessous les roses
Mon père, mon père

Il pleut sur Nantes
Et je me souviens
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin









Marcel Proust : "Sur la lecture"









Fragonard "La liseuse"



Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons
 si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans 
les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. 
Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que 
nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin : 
le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le
 plus intéressant, l’abeille ou le rayon de soleil gênants qui 
nous forçaient à lever les yeux de la page ou à changer de 
place, les provisions de goûter qu’on nous avait fait emporter 
et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher,
tandis que, au-dessus de notre tête, le soleil diminuait de 
force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu
rentrer et pendant lequel nous ne pensions qu’à monter finir,
tout de suite après, le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose 
que l’importunité,  elle en gravait au contraire en nous un 
souvenir tellement doux (tellement plus précieux à notre 
jugement actuel que ce  que nous lisions alors avec amour)
que, s’il nous arrive encore aujourd’hui de feuilleter ces 
livres d’autrefois, ce n’est  plus que comme les seuls 
calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et
 avec l’espoir de voir reflétés sur leurs  pages les demeures
 et les étangs qui n’existent plus.
Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au 
temps des vacances, qu’on allait cacher successivement
 dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez 
paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile.
 Le matin, en rentrant  du parc, quand tout le monde était 
parti faire une promenade, je me glissais dans la salle à 
manger, où, jusqu’à l’heure encore lointaine du déjeuner, personne n’entrerait que  la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n’aurais pour compagnons, très 
respectueux de la lecture, que les assiettes peintes 
accrochées au mur, le calendrier dont la feuille
de la veille  avait été fraîchement arrachée, la pendule 
et le feu  qui parlent sans demander qu’on leur réponde 
et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas, 
comme les paroles des hommes, en substituer un différent 
à celui des mots que  vous lisez.





Renoir " La lectrice"



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