dimanche 11 janvier 2015

Marcel Proust "Longtemps, je me suis couché de bonne heure ..."











Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière ; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n'était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d'une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j'étais libre de m'y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j'étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qu'il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C'est l'instant où le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur ! c'est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L'espérance d'être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s'éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu. C'est minuit ; on vient d'éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.
Je me rendormais, et parfois je n'avais plus que de courts réveils d'un instant, le temps d'entendre les craquements organiques des boiseries, d'ouvrir les yeux pour fixer le kaléidoscope de l'obscurité, de goûter grâce à une lueur momentanée de conscience le sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre, le tout dont je n'étais qu'une petite partie et à l'insensibilité duquel je retournais vite m'unir. Ou bien en dormant j'avais rejoint sans effort un âge à jamais révolu de ma vie primitive, retrouvé telle de mes terreurs enfantines comme celle que mon grand-oncle me tirât par mes boucles et qu'avait dissipée le jour – date pour moi d'une ère nouvelle – où on les avait coupées. J'avais oublié cet événement pendant mon sommeil, j'en retrouvais le souvenir aussitôt que j'avais réussi à m'éveiller pour échapper aux mains de mon grand-oncle, mais par mesure de précaution j'entourais complètement ma tête de mon oreiller avant de retourner dans le monde des rêves.
Quelquefois, comme Ève naquit d'une côte d'Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d'une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j'étais sur le point de goûter, je m'imaginais que c'était elle qui me l'offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s'y rejoindre, je m'éveillais. Le reste des humains m'apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j'avais quittée, il y avait quelques moments à peine ; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connue dans la vie, j'allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s'imaginent qu'on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s'évanouissait, j'avais oublié la fille de mon rêve.
Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes. Il les consulte d'instinct en s'éveillant, et y lit en une seconde le point de la terre qu'il occupe, le temps qui s'est écoulé jusqu'à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre. Que vers le matin après quelque insomnie, le sommeil le prenne en train de lire, dans une posture trop différente de celle où il dort habituellement, il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil, et à la première minute de son réveil, il ne saura plus l'heure, il estimera qu'il vient à peine de se coucher. Que s'il s'assoupit dans une position encore plus déplacée et divergente, par exemple après dîner assis dans un fauteuil, alors le bouleversement sera complet dans les mondes désorbités, le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le temps et dans l'espace, et au moment d'ouvrir les paupières, il se croira couché quelques mois plus tôt dans une autre contrée. Mais il suffisait que, dans mon lit même, mon sommeil fût profond et détendît entièrement mon esprit ; alors celui-ci lâchait le plan du lieu où je m'étais endormi, et quand je m'éveillais au milieu de la nuit, comme j'ignorais où je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j'étais ; j'avais seulement dans sa simplicité première le sentiment de l'existence comme il peut frémir au fond d'un animal ; j'étais plus dénué que l'homme des cavernes ; mais alors le souvenir – non encore du lieu où j'étais, mais de quelques-uns de ceux que j'avais habités et où j'aurais pu être – venait à moi comme un secours d'en haut pour me tirer du néant d'où je n'aurais pu sortir tout seul ; je passais en une seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l'image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposait peu à peu les traits originaux de mon moi.
Peut-être l'immobilité des choses autour de nous leur est-elle imposée par notre certitude que ce sont elles et non pas d'autres, par l'immobilité de notre pensée en face d'elles. Toujours est-il que, quand je me réveillais ainsi, mon esprit s'agitant pour chercher, sans y réussir, à savoir où j'étais, tout tournait autour de moi dans l'obscurité, les choses, les pays, les années. Mon corps, trop engourdi pour remuer, cherchait, d'après la forme de sa fatigue, à repérer la position de ses membres pour en induire la direction du mur, la place des meubles, pour reconstruire et pour nommer la demeure où il se trouvait. Sa mémoire, la mémoire de ses côtes, de ses genoux, de ses épaules, lui présentait successivement plusieurs des chambres où il avait dormi, tandis qu'autour de lui les murs invisibles, changeant de place selon la forme de la pièce imaginée, tourbillonnaient dans les ténèbres. Et avant même que ma pensée, qui hésitait au seuil des temps et des formes, eût identifié le logis en rapprochant les circonstances, lui, – mon corps, – se rappelait pour chacun le genre du lit, la place des portes, la prise de jour des fenêtres, l'existence d'un couloir, avec la pensée que j'avais en m'y endormant et que je retrouvais au réveil. Mon côté ankylosé, cherchant à deviner son orientation, s'imaginait, par exemple, allongé face au mur dans un grand lit à baldaquin, et aussitôt je me disais : « Tiens, j'ai fini par m'endormir quoique maman ne soit pas venue me dire bonsoir », j'étais à la campagne chez mon grand-père, mort depuis bien des années ; et mon corps, le côté sur lequel je me reposais, gardiens fidèles d'un passé que mon esprit n'aurait jamais dû oublier, me rappelaient la flamme de la veilleuse de verre de Bohême, en forme d'urne, suspendue au plafond par des chaînettes, la cheminée en marbre de Sienne, dans ma chambre à coucher de Combray, chez mes grands-parents, en des jours lointains qu'en ce moment je me figurais actuels sans me les représenter exactement, et que je reverrais mieux tout à l'heure quand je serais tout à fait éveillé.
Puis renaissait le souvenir d'une nouvelle attitude ; le mur filait dans une autre direction : j'étais dans ma chambre chez Mme de Saint-Loup, à la campagne. Mon Dieu ! Il est au moins dix heures, on doit avoir fini de dîner ! J'aurai trop prolongé la sieste que je fais tous les soirs en rentrant de ma promenade avec Mme de Saint-Loup, avant d'endosser mon habit. Car bien des années ont passé depuis Combray, où, dans nos retours les plus tardifs, c'était les reflets rouges du couchant que je voyais sur le vitrage de ma fenêtre. C'est un autre genre de vie qu'on mène à Tansonville, chez Mme de Saint-Loup, un autre genre de plaisir que je trouve à ne sortir qu'à la nuit, à suivre au clair de lune ces chemins où je jouais jadis au soleil ; et la chambre où je me serai endormi au lieu de m'habiller pour le dîner, de loin je l'aperçois, quand nous rentrons, traversée par les feux de la lampe, seul phare dans la nuit.
Ces évocations tournoyantes et confuses ne duraient jamais que quelques secondes ; souvent, ma brève incertitude du lieu où je me trouvais ne distinguait pas mieux les unes des autres les diverses suppositions dont elle était faite, que nous n'isolons, en voyant un cheval courir, les positions successives que nous montre le kinétoscope. Mais j'avais revu tantôt l'une, tantôt l'autre, des chambres que j'avais habitées dans ma vie, et je finissais par me les rappeler toutes dans les longues rêveries qui suivaient mon réveil ; chambres d'hiver où quand on est couché, on se blottit la tête dans un nid qu'on se tresse avec les choses les plus disparates : un coin de l'oreiller, le haut des couvertures, un bout de châle, le bord du lit, et un numéro des Débats roses, qu'on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s'y appuyant indéfiniment ; où, par un temps glacial, le plaisir qu'on goûte est de se sentir séparé du dehors (comme l'hirondelle de mer qui a son nid au fond d'un souterrain dans la chaleur de la terre), et où, le feu étant entretenu toute la nuit dans la cheminée, on dort dans un grand manteau d'air chaud et fumeux, traversé des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d'impalpable alcôve, de chaude caverne creusée au sein de la chambre même, zone ardente et mobile en ses contours thermiques, aérée de souffles qui nous rafraîchissent la figure et viennent des angles, des parties voisines de la fenêtre ou éloignées du foyer et qui se sont refroidies ; – chambres d'été où l'on aime être uni à la nuit tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entr'ouverts, jette jusqu'au pied du lit son échelle enchantée, où on dort presque en plein air, comme la mésange balancée par la brise à la pointe d'un rayon – ; parfois la chambre Louis XVI, si gaie que même le premier soir je n'y avais pas été trop malheureux, et où les colonnettes qui soutenaient légèrement le plafond s'écartaient avec tant de grâce pour montrer et réserver la place du lit ; parfois au contraire celle, petite et si élevée de plafond, creusée en forme de pyramide dans la hauteur de deux étages et partiellement revêtue d'acajou, où, dès la première seconde, j'avais été intoxiqué moralement par l'odeur inconnue du vétiver, convaincu de l'hostilité des rideaux violets et de l'insolente indifférence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n'eusse pas été là ; – où une étrange et impitoyable glace à pieds quadrangulaires barrant obliquement un des angles de la pièce se creusait à vif dans la douce plénitude de mon champ visuel accoutumé un emplacement qui n'y était pas prévu ; – où ma pensée, s'efforçant pendant des heures de se disloquer, de s'étirer en hauteur pour prendre exactement la forme de la chambre et arriver à remplir jusqu'en haut son gigantesque entonnoir, avait souffert bien de dures nuits, tandis que j'étais étendu dans mon lit, les yeux levés, l'oreille anxieuse, la narine rétive, le coeur battant ; jusqu'à ce que l'habitude eût changé la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseigné la pitié à la glace oblique et cruelle, dissimulé, sinon chassé complètement, l'odeur du vétiver et notablement diminué la hauteur apparente du plafond. L'habitude ! aménageuse habile mais bien lente, et qui commence par laisser souffrir notre esprit pendant des semaines dans une installation provisoire ; mais que malgré tout il est bien heureux de trouver, car sans l'habitude et réduit à ses seuls moyens, il serait impuissant à nous rendre un logis habitable.
Certes, j'étais bien éveillé maintenant : mon corps avait viré une dernière fois et le bon ange de la certitude avait tout arrêté autour de moi, m'avait couché sous mes couvertures, dans ma chambre, et avait mis approximativement à leur place dans l'obscurité ma commode, mon bureau, ma cheminée, la fenêtre sur la rue et les deux portes. Mais j'avais beau savoir que je n'étais pas dans les demeures dont l'ignorance du réveil m'avait en un instant sinon présenté l'image distincte, du moins fait croire la présence possible, le branle était donné à ma mémoire ; généralement je ne cherchais pas à me rendormir tout de suite ; je passais la plus grande partie de la nuit à me rappeler notre vie d'autrefois, à Combray chez ma grand'tante, à Balbec, à Paris, à Doncières, à Venise, ailleurs encore, à me rappeler les lieux, les personnes que j'y avais connues, ce que j'avais vu d'elles, ce qu'on m'en avait raconté.














Michel Bühler : Je rêvais d'hommes frères - Messieurs Les Militaires - Le Soldat







Je rêvais d'hommes frères

Et j'avais  vingt ans 

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Je continue de rêver d'hommes frères

je vous attends !!!









Je rêvais d'hommes frères

Et j'avais quoi ? Vingt ans ?

La démarche légère
Et le cœur palpitant
J'avais le regard clair
D'un qui s'en va confiant
C'est sûr que l'allais faire
Bien mieux que ceux d'avant
La famine ou la guerre
C'est chose qui dépend
De décisions premières
Et du choix des vivants
La raison, la lumière
Guidaient mes pas d'enfant
Qui allait mettre à terre
Tous les trop vieux tourments

Maintenant que l'hiver
Et ses nuages blancs
Et ses arbres austères
Se pointent à mon tournant
Maintenant qu'il s'avère
Que j'ai fait largement
A bord de la galère
La moitié de mon temps
Sans faire d'inventaire
Sans jouer le bilan
Je regarde en arrière
Quelquefois, rarement
Que d'amis, de compères
Que de rires et de chants
Que d'envie d'autres mers
Que de soleils brûlants

Comme jadis et naguère
J'habite obstinément
Un lieu où le vulgaire
Se mêle aux bonnes gens
Un pays de contraire
Frileux et désolant
Fermé dans ses frontières
Et qui est mien pourtant
Lorsque me désespère
Son brunissant présent
Je prends en solitaire
Le sentier montant
Là-haut, face au mystère
Venant du firmament
J'écoute l'univers
Et je salue le vent

Faudrait une manière
De remerciement
Pour l'amour qui éclaire
Intérieurement
La maison tout entière
Depuis bien des printemps
Pour tes yeux bruns ou verts
Ça dépend du moment
Pour ta chanson d'hier
Dans le soleil levant
Pour l'heure où tes paupières
Se ferment doucement
Pour la vie que l'on gère
Comme on peut, bien souvent
Pour la vie qu'on espère
Pour la vie simplement

On apporte sa pierre
Dessus le bâtiment
La pauvre primevère
Naît à chaque printemps
Etais-je une poussière
Ou bien un diamant ?
Qui fixe le critère ?
Qui rend le jugement ?
J'avais l'âme sincère
Et mon petit talent
Est-ce qu'on exagère
A vouloir le beau temps ?
Suivais-je une chimère ?
Suis-je trop innocent ?

Je rêvais d'hommes frères

J'en rêve follement






Quand vous ferez la guerre, ne comptez pas sur moi
Messieurs les militaires, pour jouer au soldat
Pour tirer sur des hommes sans demander pourquoi
Pour vous obéir comme vous l'espérez, je crois

Vous avez cru me prendre quand je vous ai suivi,
Moi, je voulais apprendre à tenir un fusil
Je ne veux pas défendre n'importe quel drapeau
Je veux d'abord comprendre à qui j'offre ma peau

Quand fous ferez la guerre, vous la faites aujourd'hui
Messieurs les militaires, dans de lointains pays
Vous semez la misère, la mort, pour le profit
De grands hommes d'affaires qui sont au chaud ici,

Qui gardent leurs mains blanches, qui ont de beaux habits,
Des habits du dimanche, même le mercredi,
Etes-vous donc si bêtes pour être si odieux ?
Non, simplement vous êtes du même monde qu'eux

Quand vous ferez la guerre, messieurs les officiers,
Tortionnaires en puissance, valets des financiers
Tout au long de l'histoire vous avez exploité
Les miens pour votre gloire, l'auriez vous oublié ?

Et vous voulez me faire croire que nous venons
Tous de la même terre, je vous réponds que non
Quand vous ferez la guerre je choisirai mon camp
J'irai avec mes frères avec les pauvres gens

Vous êtes de la race des maîtres et des seigneurs
Il n'y a pas de place pour vous dedans mon cœur
Nous n'avons pas le même intérêt vous et moi
Et la couleur que j'aime, vous, vous ne l'aimez pas

Juste encore une chose avant de vous quitter
Une Question que je pose, en toute humilité
Saurez-vous me comprendre si je vous remercie ?
Vous avez su m'apprendre à tenir un fusil







De ses guerres lointaines,

Quand Le Soldat revint,
Se mit à la fontaine,
Au bout de mon jardin.
Si ma mémoire est bonne,
(Je ne suis sûr de rien)
C'était un jour d'automne
Hier ou bien demain.

Tous les gens du village
S'approchèrent de lui.
Le patron du garage
Lui dit: "Tu as vieilli".
Devant sa pauvre mine
Et son habit râpé
Les gamins, les gamines
Ont couru se cacher.

Il dit: "Une lumière
A disparu en moi.
Ce que l'on m'a fait faire,
Je n'en parlerai pas.
Je vous vois sur la place
Comme des étrangers:
Est-ce le temps qui passe,
Ou moi qui ai changé?

Vous dites que ma mère...
Mais je n'en ai rien su!
J'irai au cimetière
Pour un dernier salut.
Ainsi s'écrit l'Histoire:
On se bat tant et plus,
On fête la victoire
Et l'on a tout perdu.

Elle habite à la ville,
Celle qui m'avait dit:
"Tu peux partir tranquille"!
N'en parlons plus, tant pis.
J'en ai connu bien d'autres,
Et j'en retrouverai,
Qui vous oublient quand votre
Argent s'est envolé.

Et les Grands de la Terre,
Tous ceux que j'ai servis,
Qui me flattaient naguère,
M'ont oubié aussi.
Il me reste la route:
Plus rien à faire par là.
Mais il faut qu'on m'écoute
Une dernière fois".

Alors, la plus petite,
En pleurant, a donné
Un baiser, vite, vite,
Au soldat qui parlait
D'une pauvre voix qui tremble:
"Voici ce que je sais:
Les guerres se ressemblent,
Ne vous battez jamais!



Les guerres se ressemblent,


Ne vous battez jamais"!


Si ma mémoire est bonne,
Il reprit son chemin.
C'était un jour d'automne,
Hier, ou bien demain,

C'était un jour d'automne,
Hier, ou bien demain.