mercredi 27 août 2014

Claudel Philippe "Torréfaction" - Parfums











Arrivé à Nancy, je prends un appartement au numéro 27 de la Grande Rue, dans le plus vieux quartier de la ville. J’ai 19 ans. C’est au mois de septembre 1981. Tout y est encore sale, noir, habité par des familles pauvres, nombreuses, souvent portugaises. Les chats pratiquent l’amour libre et se reproduisent sans vergogne à l’ombre de l’église Saint-Epvre. Les prostituées s’adossent à la place Malval pour les plus jeunes, ou reçoivent en chambre pour leurs aînées, Madame Aïda notamment, avec laquelle je fais la causette rien de plus. J’ai quitté la maison parentale et l’internat de Lunéville, bac en poche. Je me suis inscrit à l’Université où je vais peu. Je fréquente les bars, les bistrots, les cafés, les brasseries. Ma journée commence tôt, à l’Excelsior, et se termine très tard, au même Excelsior. Mais entre temps, j’ai consommé aux Deux Hémisphères, au Bar du Lycée, à l’Institut, au Ch’timi, à l’Aca, au Carnot, au Foy, au Commerce, aux Ducs, au Bar du Marché, au Grand Sérieux, Chez Josy, au café de la Pépinière, à l’Ecluse, et ‘en oublie beaucoup. Je bois. Je rêve. Des cafés noirs, des bières brunes, des verres de vin rouge, des grogs, des Picon, du thé, des sirops d’orgeat, des gin-secs. Mon salaire y passe. Je me crois poète et j’écris de mauvais vers sur des carnets à spirale. Je lis durant des jours, dans la très belle salle boisée de la Bibliothèque municipale, Histoire de ma vie de Giaomo Casanova. Les volumes de l’édition de la Pléiade sont d’un bleu adouci. Je regarde face à moi le visage des jeunes filles studieuses, et dans la rue le corps des femmes. Parfois, j’en suis une pendant des heures,  et je tente d’imaginer sa vie. Il arrive que je finisse par coucher avec elle, mais là n’est pas le but principal. Je mène cette existence de bois flotté pendant deux années. Mon travail de surveillant dans un lycée me donne un peu d’argent et beaucoup de temps. Je suis malheureux, je ne le sais pas. J’aspire à une vie de rastaquouère mais j’ai mes lâchetés. Je voudrais des revolvers dans chacune de mes poches, alors que je ne sais pas tirer. On peut avoir l’âme d’un bandit mais pas les tripes. Je suis un artiste sans art. Je pourrai finir ivrogne, ou voleur, ou souteneur, ou fainéant professionnel. Je tente même de vendre des parfums contrefaits en répondant à une annonce. Le rendez-vous est fixé dans la rue où j’habite, mais à sa fin, dans sa partie plus fréquentable, près de la porte de la Craffe. Je monte l’escalier d’un immeuble bancal. Au troisième, on m’ouvre. J me trouve face à un autre moi-même, vingt ans plus tard : un homme maigrichon au regard fuyant, mal à l’aise dans son costume de viscose taché au revers droit. L’escroc pathétique m’explique en torturant sa cravate et en fuyant mes yeux que ma future activité n’a rien d’illégal, tout en n’étant pas non plus tout à fait autorisée. Il me remet un coffret renfermant quarante échantillons censés imiter les eaux de toilette les plus connues du moment. Je ne dois jamais citer les modèles ni les marques contrefaits. Il me faut les faire deviner aux clientes, ne pas les nommer car c’est à partir de là que mon activité devient condamnable. Il me souhaite bonne chance et fait disparaître dans sa poche de pantalon les 100 francs de caution qu’il m’a réclamés. Je me retrouve dehors, allégé d’un Corneille, avec sous le bras la boîte aux senteurs. Je me sens soudain très con. C’est un matin de printemps. La balayeuse vient d’arroser le trottoir et de nettoyer le caniveau. L’air est encore frais. Le ciel bleu fait des découpages sur les toits gris d’ardoise. Par la porte ouverte d’une boutique toute proche sort une fumée de grains de café que l’on torréfie. Chaude, sensuelle, violemment présente. Je ne parviens pas à partir. Je suis tout à la fois envoûté par le parfum de ces grains de café, roulant dans le chaudron brûlant, et pétrifié par la scène qui s’est jouée un peu plus haut dans le bureau lépreux. Je ne regrette pas mes 100 francs, bien au contraire. Certain allongent, en même temps que leur corps sur un divan, la même somme chaque semaine et cela pendant des années pour se connaître un peu mieux. J’ai fait simplement une cure analytique accélérée. La vérité m’apparaît nue et blême. L’escroc ‘a pigeonné mais, à son insu, il m’a aussi ouvert les yeux : je ne suis qu’un idiot qui fonce droit dans le mur. Je gaspille le temps comme une petite monnaie sans valeur. Je suis peu de chose et je m’apprête bien vite à n’être plus rien du tout. Dans la lumière de ce beau matin ancien, lavé de soleil, je reste longuement sur le trottoir, dans l’odeur du café torréfié qui se mêle à l’air frais, ma boîte à faux parfums sous le bras, orphelin de grandes espérances mais riche à nouveau d’une lucidité féconde, douché, chassé, que je viens d’être, à coups de pieds au cul immatériels, d’une vie qui ne peut être la mienne »









Philippe Claudel "Gymnase" - Parfums











Les gymnases possèdent une puissance érotique méconnue. Surtout ceux , vieillots,  dans lesquels poussière et manque d’aération, matériaux dégradés, lumière chlorotique et vestiaires décrépits s’unissent pour, paradoxalement, former un décor propice à l’exacerbation du désir amoureux. Le père Georges est notre professeur de sport. Nous sommes en seconde au lycée Bichat de Lunéville. Il fume beaucoup, ne court puis depuis longtemps, et le local qu’il partage avec ses collègues ressemble à l’annexe d’une brasserie. Je crois qu’il a fait le tour de la question, et son air de se foutre de tout n’est pas la moindre des leçons qu’il nous donne. Nous sommes en tout cas quelques-uns, par ailleurs peu doués pour le chronomètre, à bien le retenir. Classe mixte au lycée pour l’ Éducation physique et sportive, les filles sont de leur côté et nous du nôtre. On ne mélange pas la dentelle au gros drap. Ils arrivent cependant que nous partagions le même gymnase. Elles dans un coin, nous dans un autre, nous sautons en alternance au-dessus des mêmes chevaux d’arçon, empoignons les mêmes barres parallèles, anneaux cordes à nœuds, barres fixes, chutons sur le même matelas, roulons sur les mêmes tapis de sol. Nous jeunes corps tendu ne cessent de se frôler. Nous regardons ces filles, que nous connaissons si peu avec des regards vierges. Nous les respirons dans l’effort qui mouille leur front et leur aisselles, donne à leur regard une trouble et langoureuse fatigue, à leurs gestes une lenteur sensuelle, à leur souffle une chaleur qui vient jusqu’à nous comme nous provoquer. Leurs joues s’empourprent. Elles sont soudain non pas des jeunes filles en fleurs mais en feu, et ce feu nous embrase. Que le père Georges sente la bière , le Pernod et le tabac, que le gymnase étouffe des relents de sueur, de pied, de corps négligés, que la vétusté des cordes et des tapis – dont la mousse désagrégée curieusement fleure la gomme arabique – confère au lieu une ambiance soviétique, ne m’empêche nullement de m’émouvoir devant les cuisses de Corinne Remoux parsemées en leur face interne d’un sfumato pileux, la grâce auburn de Carole Ravaillé, l’inoubliable poitrine, en avance sur son âge, de Marie  Marin, le pubis souple comme le ventre d’une loutre de la blonde Isabelle Leclerc qu’un mince short bleu marine en éponge masque autant qu’il souligne. Je m’enivre de tout. Je moissonne les gloussements, les frôlements, les échancrures,  les éclats blancs ou roses des culottes qui parfois pointent leur présence dans le mouvement en ciseaux des cuisses d’une sauteuse en hauteur, le tremblement de deux seins, dans une course d’élan, les fesses ouvertes par les grands écarts la flexion des genoux d’une grimpeuse qui se love à la corde, monte suivant une élégante reptation les reins courbés, dans un délicat ahanement, vers le ciel du gymnase et que je suis, bouche bée, les yeux conquis, le cerveau troublé par la surrection d’hormone, la bite aussi dure qu’un marbre romain. Les gymnases sont restés de vieux camarades. Ils savent. Certains en y entrant se bouchent le nez et font la grimace. Moi je ferme les yeux. Je cherche les jeunes filles. Mes jeunes filles. Je les entends à vrai dire, rire et se provoquer, courir s’encourager, mais je ne les vois plus. Elles sont enfermées dans une boucle du temps et moi je m’éloigne.








Philippe Claudel "Jean-Bark", Ed. Stock





 Dans l'attente de son nouveau  film "Avant l'hiver"


je continue de lire ou de relire


Philippe Claudel






Son  livre  paru en juin  est un hommage à un Ami

Qui embarque pour son dernier voyage




  
 
« Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
                                  Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,                                      
  Sans que rien manque au monde, immense et radieux ! »
Victor Hugo


« Ne nous prenons pas au sérieux. Il n’y aura aucun survivant ! »
 Alphonse Allais




« Tu me disais encore jusqu’à la fin, tu sais, mon Philippe, ce que je veux c’est vivre, oui je veux vivre, et tu le disais avec force, non pas comme une plainte, une prière…Et tu riais… Tu te moquais, de toi, de la mort qui peu à peu s’installait dans tes appartements, bagage après bagage »




Voici l’incipit du  dernier conte de Philippe Claudel,  un beau récit sur la vie et l’amitié que l’auteur a rédigé à l’occasion du décès de son éditeur.




Des bribes de conversations, des coups de fil au fur et à mesure que les souvenirs  de son ami Jean Marc Roberts réapparaissent.





« Notre amitié fut … cela, de petits collages fréquents, des conversations au téléphone, deux, trois, quatre fois par semaine. Quelques déjeuners ou dîners, dans l’année. De petites lettres. Mais pour autant l’impression d’être toujours ensemble, dans cette mosaïque de paroles et de sourires “



Ce « tu »  protéiforme de  Jean-Bark  promène dans tout le texte une prise de conscience du  vieillissement de l’auteur et de son  chagrin:


« Tu es mort et j’ai vieilli. Quand je me regarde dans la glace,
j’ai l’impression que le temps a fait un bond…


Depuis quelques temps je suis pris de passion pour les montres …
 Désormais à mesure que mon temps s’épuise, j’ai le besoin d’en
 éprouver la perte»




Des instants de bonheur  aussi hétéroclites que la vie reviennent toujours plein de soleil et de deuil mélangés à travers une écriture limpide qui ne manque jamais de rappeler l’affection fraternelle pour l’ami « qui a quitté la route » :


« Tu sais que tu seras toujours le bienvenu… mon Jean-Bark,
mon adorable Jean-Bark …


 Nous parlions parfois en italien au téléphone…
Tu m racontais tes enfances en Italie



Tu me fais écrire et je te remercie. Ce livre-là, c’est encore pour toi, grâce à toi que je l’écris. Mais c’est pour moi aussi que je l’ai composé, pour prolonger notre conversation. Pour te faire durer. Pour prouver une fois encore que l’écriture est le seul moyen de se jouer du néant»








GIORNATA DELLA MEMORIA: 27 janvier 1945 – 27 janvier 2014 : 69 ans après la libération d'Auschwitz-Birkenau - Philippe Caludel "Le rapport de Brodeck"





 "Pour Carlo, le roman des frontières.
très chaleureusement "

Philippe Claudel



 Je ne peux pas oublié ma rencontre à Milan

 avec ce Grand Écrivain

et sa dédicace sur un  livre que je trouve incontournable

  





Date de publication: 22 Août 2007
   
Prix Goncourt des Lycéens 2007


Prix des lecteurs du Livre de Poche-Littérature 2009
  
Incipit : 

Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache.Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer. Mais les autres m’ont forcé : « Toi, tu sais écrire, m’ont-ils dit, tu as fait des études. » J’ai répondu que c’étaient de toutes petites études, des études même pas terminées d’ailleurs, et qui ne m’ont pas laissé un grand souvenir. Ils n’ont rien voulu savoir : « Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses. Ça suffira. Nous on ne sait pas faire cela. On s’embrouillerait, mais toi, tu diras, et alors ils te croiront. Et en plus, tu as la machine. » La machine, elle est très vieille. Plusieurs de ses touches sont cassées. Je n’ai rien pour la réparer. Elle est capricieuse. Elle est éreintée. Il lui arrive de se bloquer sans m’avertir comme si elle se cabrait. Mais cela, je ne l’ai pas dit car je n’avais pas envie de finir comme l’Anderer. Ne me demandez pas son nom, on ne l’a jamais su. Très vite les gens l’ont appelé avec des expressions inventées de toutes pièces dans le dialecte et que je traduis : Vollaugä – Yeux pleins –en raison de son regard qui lui sortait un peu du visage ; De Murmelnër – le Murmurant – car il parlait très peu et toujours d’une petite voix qu’on aurait dit un souffle ; Mondlich – Lunaire – à cause de son air d’être chez nous tout en n’y étant pas ; Gekamdörhin – celui qui est venu de là-bas.Mais pour moi, il a toujours été De Anderer – l’Autre –, peut-être parce qu’en plus d’arriver de nulle part, il était différent, et cela, je connaissais bien : parfois même, je dois l’avouer, j’avais l’impression que lui, c’était un peu moi.Son véritable nom, aucun d’entre nous ne le lui a jamais demandé, à part le maire une fois peut-être, mais il n’a pas, je crois, obtenu de r�ponse. Maintenant, on ne saura plus. C’est trop tard et c’est sans doute mieux ainsi. La vérité, ça peut couper les mains et laisser des entailles à ne plus pouvoir vivre avec, et la plupart d’entre nous, ce qu’on veut, c’est vivre. Le moins douloureusement possible. C'est humain.  Je suis certain que vous seriez comme nous si vous aviez connu la guerre, ce qu’elle a fait ici, et surtout ce qui a suivi la guerre, ces semaines et ces quelques mois, notamment les derniers, durant lesquels cet homme est arrivé dans notre village, et s’y est installé, comme ça, d’un coup. Pourquoi avoir choisi notre village ? Il y en a tellement des villages sur les contreforts de la montagne, posés entre les forêts comme des oeufs dans des nids, et beaucoup qui ressemblent au nôtre. Pourquoi avoir choisi justement le nôtre, qui est si loin de tout, qui est perdu ?Tout ce que je raconte, le moment où ils ont dit qu’ils voulaient que ce soit moi, ça s’est passé à l’auberge Schloss, il y a environ trois mois. Juste après… juste après le… je ne sais pas comment dire, disons l’événement, ou le drame, ou l’incident. À moins que je dise l’Ereigniës. Ereigniës, c’est un mot curieux, plein de brumes, fantomatique, et qui signifie à peu près, « la chose qui s’est passée ». C’est peut-être mieux de dire cela avec un terme pris dans le dialecte, qui est une langue sans en être une, mais qui épouse si parfaitement les peaux, les souffles et les âmes de ceux qui habitent ici. L’Ereigniës, pour qualifier l’inqualifiable. Oui, je dirai l’Ereigniës.Cela venait donc de se produire. À l’exception de deux ou trois vieillards demeurés près de leurs fourneaux, et sans doute du curé Peiper qui devait cuver sa prune quelque part dans sa petite église aux murs larges comme l’envergure d’un aigle, tous les hommes étaient là, dans l’auberge qui est comme une grosse caverne un peu sombre, étouffée de fumée de tabac et de fumée d’âtre, ébétés, assommés par ce qui venait de se passer, et dans le même temps, comment dire, soulagés, parce qu’il fallait bien que ça se termine, d’une façon ou d’une autre. On n’en pouvait plus, vous savez.
Chacun était comme replié dans son silence, même si à presque quarante personnes dans l’auberge, on se trouvait serrés comme des joncs de saule dans un fagot, à s’étrangler, à sentir les odeurs des autres, leurs haleines, leurs pieds, la poisse âcre de leur sueur, de leurs vêtements humides, de vieille laine et de drap, frottés de poussière, de forêt, de fumier, de paille, de vin et de bière, surtout de vin. Ce n’est pas que les uns et les autres étaient saouls, non, ce serait trop facile l’excuse de l’ivresse. On gommerait d’un coup toute atrocité. Trop simple. Beaucoup trop simple. Je vais essayer de ne pas réduire ce qui est très difficile, et complexe. Je vais essayer. Je ne promets pas que j’y arriverai.




Littexpress




RECENSIONI  SITI ITALIANI


Potrebbe anche intitolarsi Anime grigie- Atto II il nuovo romanzo dello scrittore francese Philippe Claudel. Si intitola invece Il rapporto, perché è quello che i compaesani hanno chiesto a Brodeck di scrivere su quanto è avvenuto, e Brodeck inizia precisando, “Mi chiamo Brodeck e non c’entro niente”.
Quella che si accinge a scrivere è una storia tremenda, di una colpa recente che nasce da altre colpe che affondano nel passato della guerra, perché il Male non finisce dove incomincia ma genera altro Male. 
Sempre o quasi sempre


Brodeck non è uno scrittore. Semplicemente stila rapporti sull’ecosistema montano delle sue valli per una non meglio precisata Amministrazione. Come capita a molti scrittori, però, se da un lato gli riesce difficile e doloroso portare alla luce i pensieri profondi attraverso la parola detta, quando scrive gli sembra che le parole divengano docili e gli mangino in mano come uccellini. Inoltre Brodeck possiede una vecchia macchina per scrivere.

Francesco Improta 


Ritengo che Il rapporto sia un capolavoro, superiore persino a Le anime grigie, con il quale del resto ha molti punti di contatto, tanto che potrebbe essere intitolato Le anime grigie – Atto II, o meglio ancora Le anime nere, essendo il romanzo in questione ancora più cupo, più pessimista del precedente, contrassegnato com’è dalle stigmate del male e a livello collettivo e a livello in­dividuale.


Sbuca fuori dal nulla quando entra nel villaggio isolato da tutto e chiuso fra i monti. Non fa nulla per non farsi notare. Veste in modo strano, lo accompagnano la “signorina Jolie”, una cavalla, e il “signor Socrate”, un asino. Un personaggio da circo o forse da fiaba: rotondo, ricci neri alle tempie della testa calva, gote incipriate, baffi lucidi, una bombetta. Curiosità e sorpresa dapprima, poi diffidenza, infine odio. I paesani lo chiamano o lo bollano, piuttosto, come l’Anderer, l’Altro. Uno straniero, un corpo estraneo in una comunità ripiegata su se stessa poco incline ad accogliere e ad accoglierlo. La guerra, la seconda guerra mondiale, è da poco passata, ma gli orrori, che non hanno risparmiato nemmeno quel paese sperduto, non sono terminati con la pace ritrovata. L’Anderer innesca nel villaggio un processo di reviviscenza del Male: i perseguitati di ieri, diventano i persecutori di oggi. E’ un Altro e paga con la vita.
Dal lager è scampato Brodeck, anche lui è un Altro nel villaggio, uno straniero arrivato lì da bambino. Orfano, è stato salvato dalla strada da una donna pietosa al tempo della Grande Guerra. Brodeck ha frequentato l’università, nel villaggio è considerato un intellettuale, sa scrivere e per vivere stende rapporti sulla fauna e sulla flora del luogo. Viene incaricato dal sindaco di stendere un Rapporto su quanto è successo, il crimine collettivo del villaggio: Brodeck sa usare le parole e la macchina da scrivere, coi suoi modi, potrà scagionare col Rapporto i paesani.


Questo non è l’ennesimo libro sull’Olocausto, non è l’ennesimo romanzo sul male, quell’entità che siamo soliti considerare fuori da noi, altro da noi.
Philippe Claudel traccia qui una nuova cartografia del male, una mappa di ciò che chiamano inferno che parte da uno sperduto paese tra Francia e Germania, prima durante e dopo l’ultima guerra, per terminare con una x dritta nel cuore del protagonista


Con Il Rapporto, il romanziere francese Philippe Claudel torna ancora una volta a scavare nelle zone più buie dell¿animo umano, quelle dove si annidano la paura, la viltà e la ferocia. Lo fa con stile esatto e implacabile, seguendo passo a passo l¿inchiesta di Brodeck e i suoi tentativi di avvicinarsi a una verità che rischia di «lasciare ferite con le quali non si può più vivere». Nelle pagine del rapporto, annota i suoi dubbi e le testimonianze sfuggenti dei compaesani, le zone d¿ombra delle vicenda e la sua progressiva identificazione con l¿Anderer. Mentre scrive, infatti, Brodeck lascia emergere anche un¿altra storia, quella che ha vissuto personalmente durante la guerra appena finita. Anch¿egli infatti è stato considerato uno straniero, subendo le persecuzioni, i vagoni piombati e i campi dove «gli uomini non sono più uomini ma soltanto una specie».





Un site vraiment intéressant et plein de documents sur l'Holocauste


Philippe Claudel "Le vaccin de Zazie" (Le Monde sans les enfants) et mes élèves de III D ESABAC








Ce billet veut inviter à une réflexion  mes chers élèves

de III D ESABAC qui n'ont pas préparé leurs fiches

de "Boule de Suif" de Maupassant comme prévu ...

Etes-vous  à la recherche d'un vaccin comme Zazie? 


je vous anticipe la conclusion

"Il était grand temps pour elle" et pour VOUS 

"d'aller à l'école" ( avec vos devoirs comme il faut)

"parce que c'était bien d'avoir consacré

dix ans de sa vie à trouver un vaccin, mais en attendant,

ça lui faisait  un sacré retard à rattraper"


BONNE CHANCE!


Pour vous il n'y a que 6 mois !!!!!

Philippe Claudel "Église" - Parfums













Ne manquez pas la visite avec Madame Montalbetti
 - guide Amici di Brera -
 au mois de mars / avril !



On cherche toujours à façonner (1) des clés même s'il manque les serrures. J'ai toujours aimé les églises. Je les ai beaucoup fréquentées, du temps que je croyais en Dieu, et aujourd'hui encore, où je n'y crois plus. Me plaît le curieux protocole de leur silence. Leur retrait (2) du monde aussi, même au cœur des plus bruyantes villes. Leurs murs éloignent, et du temps, et de la folie des choses, et de celle des êtres. Petit, je suis enfant de chœur, frappé par la beauté du théâtre de la messe, comme l'écrit Jean Giono, humant la cire chaude qui tombe en larmes lentes sur les flancs des grands cierges tenus par les mains d'argent des bougeoirs (3), et les vapeurs d'encens, âcres, épaisses, tortueuses quand elles s'échappent du brûloir comme l'âme visible d'un Satan sacrifié, apaisées ensuite lorsqu'elles s'élèvent en brume timorée pour interroger l'impassibilité des vitraux. Aubes, soutanes, étoles, scapulaires (4), dentelles, ceintures de satin ou corde grossière. Les vêtements amidonnés sont rangés dans une haute armoire de la sacristie, brillante d'encaustique (5) et qui sent l'eau de Cologne et la lavande. Les tissus s'en imprègnent. Nous les revêtons en silence sous le regard de pis et la bouche maigre d'une grenouille (6) de bénitier qui est notre adjudant: la mère Julia. Bougie, encaustique, encens, sages tissus tissés par des mains dévotes, carreaux de pierre lavés à grande eau par des femmes agenouillées, entre deux « Notre Père », haleine vineuse du prêtre après l'Eucharistie et puis surtout, la foi de millions d'humains depuis des siècles qui exsude (7) cette odeur si particulière qui est celle de la piété, tenace, profonde, ineffaçable. L'odeur de la croyance indéfectible en un merveilleux mensonge qui dure depuis deux mille ans a soutenu bien des êtres, en a tué beaucoup d'autres.

1)fabriquer, trouver, comprendre  2)repli, repliement   3) Petit support de bougie, bas et à plateau  4) Partie du vêtement de certains religieux, composée de deux lés de drap partant des épaules et descendant bas sur la poitrine et le dos, qui se porte par-dessus la robe 5) Produit d'entretien, composé de cire et d'essence, destiné à protéger et à faire briller les parquets, les carrelages, les meubles / cire  6) grenouille de bénitier : Personne faisant preuve d'une dévotion excessive et affectée  7) Au fig. : La vie de l'esprit consiste à extérioriser de plus en plus tout ce qu'il a cru être lui-même / transpirer / sécréter












De Parfums à Parfums "Enivrez-vous" : Philippe Claudel : Parfums : Acacia et ... le Laboratorio di Chiara Varese



« Il arrive que le parfum soit couleur »

FoinParfums, Philippe Claudel




La découverte du




Fait partie des rencontres heureuses que la vie nous offre

« C’est là tout le printemps qui vient à ma bouche. »


Guidé par ces parfums …Je vois se dérouler des rivages heureux



Dans ce théâtre du goût

qui fascine et enivre  



Acacia

Incongruité climatique : je connais des arbres couverts de neige au début
du mois de juin. Épaisse et tout à la fois légère, cette neige, en grappes
floconneuses, et que le vent du soir effleure comme on caresse un ventre
aimé. Je dévale (1) à bicyclette le chemincreux qui plonge derrière le
cimetière de Dombasle, ma ville de naissance, ma villed’enfance, ma ville
d’aujourd’hui, vers le vieux stade de Sommerviller abandonné à nos jeux.
Gamelle, balles au camp, gendarmes et voleurs. Je vais rejoindre mes
copains : le Noche, les Waguette, Éric Chochnaki, Denis Paul, Jean-Marc
Cesari, Francis Del Fabro, Didier Simonin, Didier Faux, Jean-Marie Arnould,
le Petitjean, Marc Jonet. Les grands acacias masquent le ciel clair et se
rejoignent en une voûte ouvragée. Feuilles aux formes de monnaie antique.
Épines de couronnes pour suppliciés absents.
Je pédale les yeux fermés et rejette la tête en arrière, me saoulant (2)
du parfum des pétales et d’une joie fébrile que chaque printemps apporte
de nouveau. Les jours vont devenir immenses, comme notre vie. Nous
attendrons le soir dans le chant neuf des oiseaux et celui des grenouilles.
Il y aura une stupeur  à se saisir du dernier froid de la terre et à s’en
rafraîchir. Les brumes elles-mêmes  partiront en voyage, loin, pour ne revenir
qu’en octobre. Le ciel enfantera ses  couchants roses, ouatés d’orange et
de bleu pâle comme il en existe dans les tableaux de
Claude Gellée, dit le Lorrain,


Risultati immagini per Claude Gellée, dit le Lorrain,

qui est né à quelques lieues d’ici trois siècles plus tôt. Fleurs d’acacia aux
odeurs de miel et de primevère, bourdonnant d’abeilles qui, pareilles à des
silènes (3)  minuscules et velus, s’enivrent et titubent dans l’air doux.

Risultati immagini per silène

Nous autres, petits humains, cherchons sur les plus basses branches
les grappes lourdes au teint de crème pâle.

Risultati immagini per grappes d'acacia  

Nous les cueillons, ignorant nos blessures aux doigts et aux poignets, et notre
sang qui perle signe notre courage. Je serre les jeunes mortes dans un linge
et reviens à la maison, pédalant à m’en casser les jambes. Je passe devant
 les abattoirs endormis où les boeufs écorchés, pendus à leur crochet
dans les chambres froides, méditent sur leur bref destin. Ma mère a battu
la pâte. Nous y plongeons les grappes qui



s’alourdissent d’une lave blonde. Alors, très vite, il faut les immoler
dans l’huile bouillante afin que leur arôme profond ne meure pas mais
s’emprisonne sous la croûte mince. Dorée. La nuit au-dehors a ouvert
grand son oeil bleu de Prusse. Le chat près du fourneau nous observe
et s’interroge. Il est tard. Il est tôt. Les yeux brillants, négligeant la brûlure
sur mes lèvres, je mords dans une grappe craquante pleine de fleurs,
de sourires et de vent.
C’est là tout le printemps qui vient à ma bouche.

1)descendre, dégringoler   2)enivrer, griser  3)plante à fleurs délicates blanches ou roses,
au calice renflé,  dont il existe de nombreuses variétés ornementales



  

« Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps
qui brise vos épaules et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi?
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous… »
Charles Baudelaire, Enivrez-vous,Le Spleen de Paris,
(Petits poèmes en prose), XXXIII, 1869